Riposte du VIH/Sida au Togo : Interview du Pr Vincent Palokinam Pitché, Coordonnateur National du SP/CNLS-IST

Riposte du VIH/Sida au Togo : Interview du Pr Vincent Palokinam Pitché, Coordonnateur National du SP/CNLS-IST
Extrait de l'article: La commémoration de la Journée Mondiale du Sida (JMS) 2024 sera axée autour du thème : « suivons le chemin des droits ». Le Togo, commémore cette journée sous la bannière de ce thème mondial qui constitue un message fort dans la promotion des droits

« Le Togo est en bonne voie pour atteindre l’objectif des 95-95-95 fixé par l’ONUSIDA. Le pays a atteint 86% de couverture thérapeutique. Au fur et à mesure que la date butoir de 2030 approche, le Togo réalise des progrès tangibles, mais du chemin reste encore à faire »

La commémoration de la Journée Mondiale de lutte contre le Sida (JMS) 2024 sera axée autour du thème : « suivons le chemin des droits ». Le Togo, commémore cette journée sous la bannière de ce thème mondial qui constitue un message fort dans la promotion des droits humains afin de mettre fin au sida d’ici 2030, comme le souligne clairement l’ONUSIDA dans son rapport « The Path that Ends AIDS » 2024. Fort des progrès enregistrés ces dernières années dans la lutte contre le VIH/SIDA, le Togo veut pérenniser ses acquis. Le pays, soutenu par les partenaires techniques et financiers, a dans ce sens, entamé l’élaboration d’une feuille de route pour intensifier la riposte d’ici à 2030. Quel est l’état des lieux de la riposte au VIH au Togo ? Quels sont les défis actuels sur le VIH ? Réponses dans cette Interview accordée au Pr Vincent Palokinam Pitché, Coordonnateur National du Secrétariat Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida et les Infections Sexuellement Transmissibles (SP/CNLS-IST).

Santé-Éducation : Peut-on guérir du VIH/Sida ?

Pr Vincent Pitché: On soigne le VIH/Sida. On ne guérit pas encore le VIH  et le Sida. Actuellement, 30,7 millions de personnes sont sous traitement antirétroviral (sur 39,9 millions) dans le monde. Une personne vivant avec le VIH qui débute un traitement antirétroviral aujourd’hui aura la même espérance de vie qu’une personne séronégative au VIH du même âge. Le traitement antirétroviral donne de meilleurs résultats lorsqu’il est entamé très tôt après l’infection à VIH, au lieu de le retarder jusqu’à l’apparition des symptômes. Le traitement antirétroviral évite les maladies et les handicaps liés au VIH et sauve des vies. Le protocole est actuellement simple avec la prise quotidienne d’un seul comprimé avec de nouvelles molécules de plus en plus efficaces.

Quelle est la situation actuelle de l’épidémie du VIH au Togo ?

Il y a que des données et des tendances qui permettent d'apprécier de façon globale l'évolution actuelle de l'épidémie du VIH au Togo. Nous avons actuellement une prévalence au stade de 1,6% avec une réduction significative de plus de 65% du nombre de nouvelles infections, et une diminution du nombre de décès de 65% en 2010 et 2023.


Au niveau des objectifs fixés au niveau international, le Togo a adopté la stratégie 95-95-95. C'est une stratégie qui est destinée à garantir que d'ici 2030, 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, que 95 % d'entre elles aient accès à un traitement antirétroviral (ARV) et que 95 % des patients sous traitement aient une charge virale indétectable. A la fin de l’année 2023, le Togo   à 86% pour le premier 95 : 85 % pour le 2e 95 (plus de 8 PVVIH sur 10 étaient sous traitements antirétroviraux dans notre pays). Plus de 90% PVVIH sous traitement avaient une charge virale supprimée ce qui démontre l’efficacité des médicaments. Les performances en matière de prise en charge de la co-infection Tuberculose/VIH sont bonnes, avec plus de 99% des  malades tuberculeux dépistés séropositifs et mis sous traitement.

Quel est l’état des lieux au niveau des femmes et des enfants ?

En ce qui concerne la prévention de la transmission VIH mère-enfant (PTME) où on n'est pas encore très performant. La couverture des services de PTME a augmenté, atteignant plus de 83 % tant au niveau géographique que des populations cibles (mais ce taux est loin de l’objectif de 95% fixé au niveau national).

Si chez les adultes le taux de couverture thérapeutique est de 87 %, chez les enfants, ce taux est à 68 % ce qui montre la faible performance de la prise en charge chez les enfants.

L’un des défis majeurs dans la lutte contre le VIH et le SIDA au Togo est la triple élimination de la transmission de la mère à l’enfant du VIH, de la syphilis et de l’hépatite virale B.  Pour éviter la transmission de ces virus de la mère à l’enfant,  l’offre des services de dépistage précoce, gratuit est systématique lors de la première consultation prénatale car la contamination peut se faire de la mère à l’enfant pendant la grossesse, lors de l’accouchement et durant l’allaitement. Le protocole Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME) est mis en place lorsqu’une future maman est dépistée séropositive. Les traitements ARV réduisent drastiquement la transmission mère-enfant du virus à condition que le traitement soit respecté par la femme enceinte et la future maman. Si elle suit les conseils des prestataires de soins et poursuit le traitement de l’enfant chez elle, la charge virale est drastiquement réduite.  Nous avons encore un taux élève des perdus de vues après l'accouchement. Il existe des goulots d’étranglement dans le suivi des couples mère-enfants issus des sites PTME. C’est pourquoi les structures de soins travaillent en partenariat avec les acteurs communautaires pour améliorer le continuum des soins et réduire significativement les perdus de vue et arrimer les enfants et leurs mères aux structures soins.

Quelles sont les stratégies pour promouvoir la prévention, la prise en charge et améliorer l’accès au traitement des populations les plus vulnérables en particulier les jeunes ?

Il faut donner aux jeunes les moyens de mener de se protéger face au VIH au Togo. Tout le monde est conscient que si on veut avoir une génération sans sida, si on veut mettre fin à l'épidémie sida en 2030, il ne faut pas qu'il y ait de nouvelles infections chez les jeunes. D’où la nécessité d'impliquer les jeunes dans cette lutte. SElon certaines enquêtes environ  1/3 des jeunes âgés de 15 à 24 ans ont des connaissances complètes et suffisantes sur la prévention du VIH. C’est pourquoi il continuer la sensibilisation des nos jeunes sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles. Mieux, il faut encourager les jeunes à jouer un rôle important dans la prévention du VIH à travers leur implication dans la définition des politiques et des interventions qui les concernent en pratique.

Il existe dans le pays des offres de services adaptés aux jeunes  à travers les centres jeunes. Il y a des associations et réseaux de jeunes impliqués dans la lutte contre le VIH. Les stratégies des interventions sont adaptées aux besoins des jeunes (messages à travers les réseaux sociaux, numéro vert, webradio, club des jeunes etc..).


Depuis plusieurs années, les ministères en charge de l’enseignement ont inclut  dans les curricula des élèves et dans les écoles de formation, l'aspect de santé sexuelle globale y compris la prévention du VIH. Cela permet très de sensibiliser très tôt les jeunes sur la problématique des infections sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées.

Au niveau des jeunes extrascolaires, la mise en œuvre des interventions par les pairs éducateurs permet de toucher la majorité des catégories des jeunes. Nous avons la chance d’avoir au Togo une société civile avec des associations très dynamiques avec une bonne expertise de travail dans tous les régions avec les jeunes scolaires et  extrascolaires. Le CNLS compte sur ce large tissus associatif pour impacter les interventions au sein de la jeunesse dans sa diversité sociale et géographique.

Le Togo peut-il atteindre l’objectif : 95-95-95 fixé par l’ONUSIDA pour 2030 ?

Le Togo est  sur  bonne voie pour atteindre l’objectif des 95-95-95 fixé par l’ONUSIDA. Le pays a atteint 86% de couverture thérapeutique en 2023. Au fur et à mesure que la date butoir de 2030 approche, le Togo réalise des progrès tangibles, mais du chemin reste  à parcourir, nous avons 7 ans pour y parvenir d’abord et avant tout le bien être de nos populations. C’est pour quoi nous avons élaboré un plan d’accélération pour hâter nos pas dans la mise en œuvre de toutes les interventions en matière de prévention, de soins et traitement, de lutte contre le stigmatisation et la discrimination et dans la mobilisation des ressources. L’atteinte objectifs de 3x95 est un préalable indispensable pour mettre fin à l’épidémie du Sida comme menace de santé publique en 2030 (objectif de développement durable 3).

C’est dans cette optique qu’avec l’appui des partenaires et le leadership de gouvernement à travers tous les secteurs impliqués dans cette réponse, nous mobilisons toutes les énergies et ressources pour espérer à moyen terme tendre vers les objectifs de 3 x95.

Quels sont les défis principaux à relever ?

Comme vous l’avez noté malgré les progrès réalisés par le Togo, notre niveau de performance n’est pas optimal à cause plusieurs goulots d’étranglement. L’un des défis est l’accélération l’intensification des interventions de dépistage afin que toutes les PVVIH au Togo connaissent leur statut et soient mises sous traitement par les antirétroviraux afin d’arriver 95 % à moyen terme.

Le second défi est la triple élimination de la transmission de la mère-enfant. Aucun enfant ne devrait plus naitre avec le VIH au Togo d’ici 2030. En effet, la transmission du VIH de la mère vers l'enfant est le principal mode de contamination des enfants. Afin de rompre le lien de contamination entre la mère et l'enfant, il faut dépister précocement les enfants à la naissance, et arrimer le couple mère-enfant aux structures de soins pour un suivi optimal.

Les problèmes de stigmatisation et la discrimination reste encore un défi à relever. En effet les problèmes de stigmatisation et discrimination liés au VIH  impactent négativement l’accès des services de préventions et de soins aux personnes qui en sont victimes. La majorité des actes de stigmatisation est lié à l’ignorance des voies de non contamination.

Est-ce que les opportunités de financement pour arriver à ces résultats sont réelles ?

Oui sur le moyen terme d’ici 2026. Le Togo, en plus du budget du gouvernement, bénéficie des financements des partenaires internationaux comme le fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme et le programme présidentiel du gouvernent américain de lutte contre le Sida (PEPFAR).  Mais les financements sont toujours insuffisants, car les budgets des interventions augmentent chaque année avec une place importante pour le financement des intrants médicaux.  Car l’infection par le VIH est une devenue une affection chronique avec une prise en charge continue sur le long terme. Il faut garantir non seulement la continuité de traitement (pas rupture de médicaments) pour tous les anciens malades mais s’assurer que les nouveaux cas dépistés positifs ont accès eux aussi aux médicaments. Il en est de même pour l’offre de la charge virale à tous malades sous traitement afin de s’assurer de son efficacité.

A long terme, il s’agit de mobiliser les ressources pour garantir la pérennité des interventions et des offres des services. L’assurance maladie universelle constitue une des opportunités de financement des programmes de santé dans notre pays.

Je remercie votre journal pour le travail de sensibilisation de la population sur les enjeux de santé dans notre pays.

Propos recueillis par Abel OZIH

Auteur
santé éducation
Rédacteur
Abel OZIH

La commémoration de la Journée Mondiale du Sida (JMS) 2024 sera axée autour du thème : « suivons le chemin des droits ». Le Togo, commémore cette journée sous la bannière de ce thème mondial qui constitue un message fort dans la promotion des droits

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