Riposte du VIH/Sida au Togo : Interview du Pr Vincent Palokinam Pitché, Coordonnateur National du SP/CNLS-IST
- Posted on 26/11/2024 22:39
- Film
- By abelozih@sante-education.tg
Extrait de l'article: La commémoration de la Journée Mondiale du Sida (JMS) 2024 sera axée autour du thème : « suivons le chemin des droits ». Le Togo, commémore cette journée sous la bannière de ce thème mondial qui constitue un message fort dans la promotion des droits
« Le Togo est en bonne voie pour atteindre l’objectif des
95-95-95 fixé par l’ONUSIDA. Le pays a atteint 86% de couverture
thérapeutique. Au fur et à mesure que la date butoir de 2030 approche, le Togo
réalise des progrès tangibles, mais du chemin reste encore à faire »
La commémoration de la Journée Mondiale de lutte contre le Sida (JMS) 2024 sera axée autour du thème : « suivons le chemin des droits ». Le Togo, commémore cette journée sous la bannière de ce thème mondial qui constitue un message fort dans la promotion des droits humains afin de mettre fin au sida d’ici 2030, comme le souligne clairement l’ONUSIDA dans son rapport « The Path that Ends AIDS » 2024. Fort des progrès enregistrés ces dernières années dans la lutte contre le VIH/SIDA, le Togo veut pérenniser ses acquis. Le pays, soutenu par les partenaires techniques et financiers, a dans ce sens, entamé l’élaboration d’une feuille de route pour intensifier la riposte d’ici à 2030. Quel est l’état des lieux de la riposte au VIH au Togo ? Quels sont les défis actuels sur le VIH ? Réponses dans cette Interview accordée au Pr Vincent Palokinam Pitché, Coordonnateur National du Secrétariat Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida et les Infections Sexuellement Transmissibles (SP/CNLS-IST).
Santé-Éducation
: Peut-on guérir du VIH/Sida ?
Pr
Vincent Pitché: On soigne le VIH/Sida. On ne guérit pas
encore le VIH et le Sida. Actuellement, 30,7 millions de
personnes sont sous traitement antirétroviral (sur 39,9
millions)
dans le monde. Une personne vivant avec le VIH qui débute un traitement
antirétroviral aujourd’hui aura la même espérance de vie qu’une personne
séronégative au VIH du même âge. Le traitement antirétroviral donne de
meilleurs résultats lorsqu’il est entamé très tôt après l’infection à VIH, au
lieu de le retarder jusqu’à l’apparition des symptômes. Le traitement
antirétroviral évite les maladies et les handicaps liés au VIH et sauve des
vies. Le protocole est actuellement simple avec la prise quotidienne d’un seul
comprimé avec de nouvelles molécules de plus en plus efficaces.
Quelle
est la situation actuelle de l’épidémie du VIH au Togo ?
Il y a que des données et des tendances qui permettent d'apprécier de façon globale l'évolution actuelle de l'épidémie du VIH au Togo. Nous avons actuellement une prévalence au stade de 1,6% avec une réduction significative de plus de 65% du nombre de nouvelles infections, et une diminution du nombre de décès de 65% en 2010 et 2023.
Au
niveau des objectifs fixés au niveau international, le Togo a adopté la stratégie 95-95-95. C'est une
stratégie qui est destinée à garantir que d'ici 2030, 95 % des personnes vivant
avec le VIH connaissent leur statut sérologique, que 95 % d'entre elles aient
accès à un traitement antirétroviral (ARV) et que 95 % des patients sous
traitement aient une charge virale indétectable. A la fin de l’année 2023, le Togo à 86% pour le premier 95 : 85 % pour le 2e 95
(plus
de 8 PVVIH sur 10 étaient sous
traitements antirétroviraux dans notre pays).
Plus de 90% PVVIH sous traitement avaient une charge virale supprimée ce qui démontre l’efficacité des médicaments.
Les performances en matière de prise en charge de la co-infection
Tuberculose/VIH sont bonnes, avec plus de 99% des malades tuberculeux
dépistés séropositifs et mis sous traitement.
Quel
est l’état des lieux au niveau des femmes et des enfants ?
En
ce qui concerne la prévention de la transmission VIH mère-enfant (PTME) où on
n'est pas encore très performant. La couverture des services de PTME a
augmenté, atteignant plus de 83 % tant au niveau géographique que des
populations cibles (mais ce taux est loin
de l’objectif de 95% fixé au niveau national).
Si chez les adultes le taux de couverture thérapeutique
est de 87 %, chez les enfants, ce taux est à 68 % ce qui montre la faible performance de la prise en
charge chez les enfants.
L’un des défis majeurs dans la lutte contre le VIH et le
SIDA au Togo est la triple élimination de la transmission de la mère à l’enfant
du VIH, de la syphilis et de l’hépatite virale B. Pour éviter la transmission de ces virus de la mère à l’enfant, l’offre des services de dépistage précoce, gratuit est systématique lors de la première
consultation prénatale car la contamination peut se faire de la mère à l’enfant
pendant la grossesse, lors de l’accouchement et durant l’allaitement. Le
protocole Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME) est mis en place
lorsqu’une future maman est dépistée séropositive. Les traitements ARV
réduisent drastiquement la transmission mère-enfant du virus à condition que le
traitement soit respecté par la femme enceinte
et
la future maman. Si elle suit les conseils des prestataires de soins et poursuit le traitement de l’enfant
chez elle, la charge virale est drastiquement réduite. Nous avons encore un taux élève des perdus de vues après
l'accouchement. Il existe des goulots
d’étranglement dans le suivi des couples mère-enfants issus des sites PTME.
C’est pourquoi les structures de soins
travaillent en partenariat avec les acteurs communautaires pour améliorer le
continuum des soins et réduire significativement les perdus de vue et arrimer les enfants et leurs mères aux structures
soins.
Quelles
sont les stratégies pour promouvoir la prévention, la prise en charge et
améliorer l’accès au traitement des populations les plus vulnérables en
particulier les jeunes ?
Il
faut donner aux jeunes les moyens de mener de se
protéger face au VIH au Togo. Tout le monde est conscient que si on
veut avoir une génération sans sida, si on veut mettre fin à l'épidémie sida en
2030, il ne faut pas qu'il y ait de nouvelles infections chez les jeunes. D’où la nécessité
d'impliquer les jeunes dans cette lutte. SElon
certaines enquêtes environ 1/3 des jeunes
âgés de 15 à 24 ans ont des connaissances
complètes et suffisantes sur la prévention du VIH. C’est pourquoi il continuer la sensibilisation des nos
jeunes sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles. Mieux, il faut encourager les
jeunes à jouer un rôle important dans la prévention du VIH à travers
leur
implication dans la définition des politiques et des interventions qui les
concernent en pratique.
Il existe dans le pays des offres de services adaptés aux jeunes à travers les centres jeunes. Il y a des associations et réseaux de jeunes impliqués dans la lutte contre le VIH. Les stratégies des interventions sont adaptées aux besoins des jeunes (messages à travers les réseaux sociaux, numéro vert, webradio, club des jeunes etc..).
Depuis plusieurs années, les
ministères en charge de l’enseignement ont inclut dans les
curricula des élèves et dans les écoles de formation, l'aspect de santé sexuelle globale y compris la prévention du VIH. Cela permet très de
sensibiliser très tôt les jeunes sur la problématique des infections
sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées.
Au
niveau des jeunes extrascolaires, la
mise en œuvre des interventions par les pairs éducateurs permet de toucher la
majorité des catégories des jeunes. Nous avons la chance d’avoir au Togo une
société civile avec des associations très dynamiques avec une bonne expertise
de travail dans tous les régions avec les jeunes scolaires et extrascolaires. Le CNLS compte sur ce large tissus associatif pour
impacter les interventions au sein de la jeunesse dans sa diversité sociale et
géographique.
Le Togo peut-il
atteindre l’objectif : 95-95-95 fixé par l’ONUSIDA pour 2030 ?
Le Togo est sur bonne voie
pour atteindre l’objectif des 95-95-95 fixé par l’ONUSIDA. Le
pays a atteint 86%
de couverture thérapeutique en 2023. Au
fur et à mesure que la date butoir de 2030 approche, le Togo réalise des
progrès tangibles, mais du chemin reste à parcourir, nous avons 7 ans pour y parvenir
d’abord et avant tout le bien être de nos populations. C’est pour quoi nous
avons élaboré un plan d’accélération pour hâter nos pas dans la mise en œuvre
de toutes les interventions en matière de prévention, de soins et traitement,
de lutte contre le stigmatisation et la discrimination et dans la mobilisation
des ressources. L’atteinte objectifs de 3x95 est un préalable indispensable
pour mettre fin à l’épidémie du Sida comme menace de santé publique en 2030
(objectif de développement durable 3).
C’est dans cette optique qu’avec l’appui des partenaires
et le leadership de gouvernement à travers tous les secteurs impliqués dans
cette réponse, nous mobilisons toutes les énergies et ressources pour espérer à
moyen terme tendre vers les objectifs de 3 x95.
Quels
sont les défis principaux à relever ?
Comme vous l’avez noté malgré les progrès réalisés par le
Togo, notre niveau de performance n’est pas optimal à cause plusieurs goulots
d’étranglement. L’un des défis est l’accélération l’intensification des
interventions de dépistage afin
que toutes les PVVIH au Togo connaissent leur statut et soient mises sous
traitement par les antirétroviraux afin d’arriver 95 % à moyen terme.
Le second défi est
la triple élimination de la transmission de la mère-enfant. Aucun enfant ne
devrait plus naitre avec le VIH au Togo d’ici 2030. En effet, la transmission du VIH de la mère vers l'enfant est le principal
mode de contamination des enfants. Afin de rompre le lien de contamination
entre la mère et l'enfant, il faut dépister précocement les enfants à la
naissance, et arrimer le couple mère-enfant aux structures de soins pour un
suivi optimal.
Les problèmes de stigmatisation et la discrimination reste encore un défi
à relever. En effet les problèmes de stigmatisation et discrimination liés au
VIH impactent négativement l’accès des
services de préventions et de soins aux personnes qui en sont victimes. La
majorité des actes de stigmatisation est lié à l’ignorance des voies de non
contamination.
Est-ce
que les opportunités de financement pour arriver à ces résultats sont réelles ?
Oui sur le moyen terme d’ici 2026. Le
Togo, en plus du budget du gouvernement, bénéficie des
financements des partenaires internationaux comme le fonds mondial de lutte
contre le Sida, la tuberculose et le paludisme et le programme présidentiel du gouvernent américain de lutte contre le Sida (PEPFAR). Mais les
financements sont toujours insuffisants, car les budgets des interventions
augmentent chaque année avec une place importante pour le financement des
intrants médicaux. Car l’infection par
le VIH est une devenue une affection chronique avec une prise en charge
continue sur le long terme. Il faut garantir non seulement la continuité de
traitement (pas rupture de médicaments) pour tous les anciens malades mais
s’assurer que les nouveaux cas dépistés positifs ont accès eux aussi aux
médicaments. Il en est de même pour l’offre de la charge virale à tous malades
sous traitement afin de s’assurer de son efficacité.
A long terme, il s’agit de mobiliser les ressources pour
garantir la pérennité des interventions et des offres des services. L’assurance
maladie universelle constitue une des opportunités de financement des
programmes de santé dans notre pays.
Je remercie votre journal pour le travail de
sensibilisation de la population sur les enjeux de santé dans notre pays.
Propos recueillis par Abel OZIH