Prévention contre le suicide/Interview du Dr Kaka Kalina, Psychologue clinicien et de la santé

Prévention contre le suicide/Interview du Dr Kaka Kalina, Psychologue clinicien et de la santé
Extrait de l'article: Chaque 10 Septembre est célébrée la journée mondiale de prévention contre le suicide. L’objectif est de bien montrer que le suicide peut être évité. Le suicide est un réel problème de santé publique. Au Togo, selon les données du Ministère de la Séc

« Se suicider est loin d’être une solution. L’homme est capable de relever tout défi, de trouver  une  solution aux difficultés de la vie » 

Chaque 10 Septembre est célébrée la journée  mondiale de prévention contre le suicide. L’objectif est de bien montrer que le suicide peut être évité. Le suicide est un réel problème de santé publique. Au Togo, selon les données du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile, 46 cas de suicide ont été enregistrés au Togo entre juin et décembre 2021 dont la majorité dans la région Maritime (20) et la région des Savanes (14). En 2019, un rapport de l’OMS classait le Togo au 8è rang des pays africains où la population se suicide le plus. Dans cette interview, Dr Kaka Kalina, Psychologue clinicien et de la santé, Enseignant à l’université de Lomé éclaire sur ce réel problème de santé publique.

Santé-Education : Qu’est-ce que le suicide ?

Dr Kaka Kalina: Le suicide est un acte par lequel une personne se donne volontairement la mort. C’est encore ce qu’on appelle le «meurtre de soi-même». Une tentative de suicide est un comportement visant à se donner la mort, sans y parvenir. Une conduite suicidaire, est une conduite consciente visant à tenter de se donner la mort. Une idée suicidaire ou idée du suicide est une pensée que l’on pourrait se donner la mort. C’est une construction imaginaire de scénarii de mort, sans passer à l’acte.

Comment peut-on expliquer le fait qu’une personne décide volontairement de mettre fin à sa vie ?

Plusieurs situations peuvent conduire une personne à envisager de mourir. Cela peut être un sentiment de désespoir profond ; un désarroi profond ; une tristesse profonde ; une culpabilité profonde. Dans ce cas, la personne conçoit la mort comme une délivrance, une solution ultime. Une tentative de suicide peut être aussi un appel à l’aide ou le fait d’attirer l’attention des autres sur sa souffrance. Cela peut être également un chantage affectif ou la recherche d’affection de la part d’une tierce personne.

Quels sont les facteurs de risques du suicide ?

L’analyse du contexte du geste suicidaire s’appuie sur trois (3) catégories de facteurs de risques : les facteurs psychopathologiques, biographiques ou personnels et situationnels. Les facteurs psychopathologiques sont liés à l’état d’esprit de la personne. Il y a certains troubles qui prédisposent une personne à vouloir se suicider. Quand la personne est dépressive, toxicomane, schizophrène, névrotique ou anxieuse. Les facteurs de risque biologiques de la personne. Les facteurs de risque biographiques ou personnels ont trait aux antécédents de la personne. On peut citer, entre autres, les antécédents de tentatives de suicide. Des études démontrent en effet que 30 à 40% des suicidants récidivent généralement dans l’année, et 10% décèdent par suicide dans les 10 ans qui suivent. Par ailleurs, les antécédents familiaux de décès par suicide sont des facteurs de risque.

 

La tentative de suicide peut être induite par un événement négatif ou un fait traumatisant. On peut citer le viol et autres agressions sexuelles. La solitude ou l’isolement expose aussi au suicide. C’est le cas chez les veufs, les célibataires, les divorcés ou les sujets séparés. De même, les situations de désinsertion ou de fragilisation socioprofessionnelle comme le chômage, l’emploi précaire, une retraite récente sont un risque. Certaines pathologies ou affections chroniques favorisent le risque suicidaire, d’autant plus qu’elles sont douloureuses, fonctionnellement handicapantes ou réputées incurables.

Les facteurs de risque situationnels concernent les événements malheureux. Chez les adolescents, par exemple, une tentative de suicide n’est jamais à considérer comme un acte anodin à mettre sur le compte d’une «crise d’adolescents et jeunes”, mais évoquent un fait précis comme, par exemple, un conflit avec les parents, des problèmes à l’école, un malaise, une rupture relationnelle ou une dispute.

 A quoi pense une personne au moment de se suicider ?

Les idées suicidaires apparaissent comme le moyen de mettre un terme à la souffrance inexorable puisqu’il n’y a plus pour la personne aucun espoir. Ces idées peuvent rester fugaces ou bien devenir durable ou envahissantes jusqu’à réaliser une ébauche de passage à l’acte.  Pour essayer de comprendre le passage à l’acte suicidaire, plusieurs niveaux d’analyse psychologique sont possibles, sans entrer dans le détail des conceptions théoriques.

Au niveau de l’intentionnalité, la personne désire fuir une situation insupportable, interpeller l’autre par rapport à sa souffrance ou encore faire du mal à l’autre. Au niveau du geste suicidaire lui- même, il s’impose comme une nécessité, devant l’impossible de contenir une angoisse envahissante et destructrice.

Quelle est la situation du suicide dans la société togolaise ?

En l’absence d’études épidémiologiques d’envergure nationale, il est difficile d’avancer des données chiffrées. Néanmoins, des cas de tentatives de suicide sont signalés par les collègues psychologues cliniciens et de la santé exerçant dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et hôpitaux.

 Quelles sont les conduites à risque suicidaires ?

Les conduites à risques sont des comportements où le sujet prend des risques mais sans idées consciente, ni volonté de mort. Les moyens utilisés pour se suicider ou tenter de se suicider sont l’intoxication médicamenteuse, l’alcool, la pendaison, la noyade, l’usage d’arme à feu, d’explosif, du feu et objets brulants, d’objets tranchants, le saut dans le vide.

Quelles sont les conséquences du suicide sur une famille ?

La mort par suicide cause un stress sévère dans la famille. Les sentiments de culpabilité sont toujours présents. Il est donc indispensable d’offrir aux membres éprouvés des soins psychologiques pour les soutenir.

Que faire lorsqu’une personne proche a des conduites suicidaires ?

Les données scientifiques actuelles montrent qu’il convient d’être très prudent et modeste en matière de prévention primaire du suicide. On peut toutefois insister sur l’importance de reconnaitre les signes d’alerte et les facteurs de risque et de les traiter chaque fois que possible. Ainsi, les parents ou la famille doivent être informés sur les signes d’alarme qui indiquent qu’un membre de la famille souffre et est éventuellement en crise suicidaire.

Ces signes d’alarme sont principalement du genre « Je vais me foutre en l’air, je ne vous embêterai plus, vous allez avoir la paix, je suis fatigué de la vie, la vie me dégoûte ».

Les parents doivent être informés sur les stratégies et les moyens utilisés par les personnes suicidantes. En outre, ils doivent avoir une information sur les moyens, les dispositifs et les ressources qui peuvent être sollicités en cas de tentative de suicide. Ils doivent également œuvrer à créer un climat familial apaisé, favoriser une communication ouverte entre les membres ; ils doivent être attentifs aux signes d’alerte et au changement de comportement brutal ou masqué d’un des membres et recourir aux professionnels et aux soins appropriés.

Comment peut-on prévenir les tentatives de suicide ou conduites suicidaires ?

Plusieurs pistes peuvent être envisagées en fonction du contexte et de la gravité des séquelles. Mais puisqu’il s’agit d’une prise en charge complexe, il est recommandé que les familles saisissent un psychologue ou conduisent la personne à l’hôpital pour une orientation vers les services appropriés. Les services de santé mentale sont disponibles dans les CHU et les hôpitaux sur toute l’étendue du territoire togolais.

Quels conseils donner à des personnes dont les défis de la vie les amènent à vouloir opter pour le suicide ?

En cas de difficulté, lorsqu’on est dégoûté par la vie, il faut accepter s’ouvrir à un confident et rechercher l’aide d’un professionnel de santé mentale.  Se suicider est loin d’être une solution pour résoudre les problèmes. L’homme est capable de relever tout défi, de trouver une solution aux difficultés de la vie.

Propos recueillis par Elom AKAKPO

  

 

Auteur
santé éducation
Rédacteur
Abel OZIH

Chaque 10 Septembre est célébrée la journée mondiale de prévention contre le suicide. L’objectif est de bien montrer que le suicide peut être évité. Le suicide est un réel problème de santé publique. Au Togo, selon les données du Ministère de la Séc

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