Prévention contre le suicide/Interview du Dr Kaka Kalina, Psychologue clinicien et de la santé
- Posted on 12/09/2022 22:18
- Film
- By abelozih@sante-education.tg
Extrait de l'article: Chaque 10 Septembre est célébrée la journée mondiale de prévention contre le suicide. L’objectif est de bien montrer que le suicide peut être évité. Le suicide est un réel problème de santé publique. Au Togo, selon les données du Ministère de la Séc
« Se suicider est loin d’être une solution. L’homme est capable de relever tout
défi, de
trouver une solution aux difficultés de la vie »
Chaque 10 Septembre est célébrée la journée mondiale de prévention contre le suicide. L’objectif est de bien montrer que le suicide peut être évité. Le suicide est un réel problème de santé publique. Au Togo, selon les données du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile, 46 cas de suicide ont été enregistrés au Togo entre juin et décembre 2021 dont la majorité dans la région Maritime (20) et la région des Savanes (14). En 2019, un rapport de l’OMS classait le Togo au 8è rang des pays africains où la population se suicide le plus. Dans cette interview, Dr Kaka Kalina, Psychologue clinicien et de la santé, Enseignant à l’université de Lomé éclaire sur ce réel problème de santé publique.
Santé-Education : Qu’est-ce que le suicide ?
Dr Kaka
Kalina: Le suicide est un acte par lequel une personne se
donne volontairement la mort. C’est encore ce qu’on appelle le «meurtre de
soi-même». Une tentative de suicide est un comportement visant à se donner la
mort, sans y parvenir. Une conduite suicidaire, est une conduite consciente
visant à tenter de se donner la mort. Une idée suicidaire ou idée du suicide
est une pensée que l’on pourrait se donner la mort. C’est une construction
imaginaire de scénarii de mort, sans passer à l’acte.
Comment
peut-on expliquer le fait qu’une personne décide volontairement de mettre fin à
sa vie ?
Plusieurs
situations peuvent conduire une personne à envisager de mourir. Cela peut être
un sentiment de désespoir profond ; un désarroi profond ; une tristesse
profonde ; une culpabilité profonde. Dans ce cas, la personne conçoit la mort
comme une délivrance, une solution ultime. Une tentative de suicide peut être
aussi un appel à l’aide ou le fait d’attirer l’attention des autres sur sa
souffrance. Cela peut être également un chantage affectif ou la recherche
d’affection de la part d’une tierce personne.
Quels
sont les facteurs de risques du suicide ?
L’analyse
du contexte du geste suicidaire s’appuie sur trois (3) catégories de facteurs
de risques : les facteurs psychopathologiques, biographiques ou personnels et
situationnels. Les facteurs psychopathologiques sont liés à l’état d’esprit de
la personne. Il y a certains troubles qui prédisposent une personne à vouloir
se suicider. Quand la personne est dépressive, toxicomane, schizophrène,
névrotique ou anxieuse. Les facteurs de risque biologiques de la personne. Les
facteurs de risque biographiques ou personnels ont trait aux antécédents de la
personne. On peut citer, entre autres, les antécédents de tentatives de
suicide. Des études démontrent en effet que 30 à 40% des suicidants récidivent
généralement dans l’année, et 10% décèdent par suicide dans les 10 ans qui
suivent. Par ailleurs, les antécédents familiaux de décès par suicide sont des
facteurs de risque.
La
tentative de suicide peut être induite par un événement négatif ou un fait
traumatisant. On peut citer le viol et autres agressions sexuelles. La solitude
ou l’isolement expose aussi au suicide. C’est le cas chez les veufs, les
célibataires, les divorcés ou les sujets séparés. De même, les situations de
désinsertion ou de fragilisation socioprofessionnelle comme le chômage,
l’emploi précaire, une retraite récente sont un risque. Certaines pathologies
ou affections chroniques favorisent le risque suicidaire, d’autant plus
qu’elles sont douloureuses, fonctionnellement handicapantes ou réputées
incurables.
Les
facteurs de risque situationnels concernent les événements malheureux. Chez les
adolescents, par exemple, une tentative de suicide n’est jamais à considérer
comme un acte anodin à mettre sur le compte d’une «crise d’adolescents et
jeunes”, mais évoquent un fait précis comme, par exemple, un conflit avec les
parents, des problèmes à l’école, un malaise, une rupture relationnelle ou une
dispute.
A
quoi pense une personne au moment de se suicider ?
Les
idées suicidaires apparaissent comme le moyen de mettre un terme à la
souffrance inexorable puisqu’il n’y a plus pour la personne aucun espoir. Ces
idées peuvent rester fugaces ou bien devenir durable ou envahissantes jusqu’à
réaliser une ébauche de passage à l’acte. Pour essayer de comprendre
le passage à l’acte suicidaire, plusieurs niveaux d’analyse psychologique sont
possibles, sans entrer dans le détail des conceptions théoriques.
Au
niveau de l’intentionnalité, la personne désire fuir une situation
insupportable, interpeller l’autre par rapport à sa souffrance ou encore faire
du mal à l’autre. Au niveau du geste suicidaire lui- même, il s’impose comme
une nécessité, devant l’impossible de contenir une angoisse envahissante et
destructrice.
Quelle
est la situation du suicide dans la société togolaise ?
En
l’absence d’études épidémiologiques d’envergure nationale, il est difficile
d’avancer des données chiffrées. Néanmoins, des cas de tentatives de suicide
sont signalés par les collègues psychologues cliniciens et de la santé exerçant
dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et hôpitaux.
Quelles
sont les conduites à risque suicidaires ?
Les
conduites à risques sont des comportements où le sujet prend des risques mais
sans idées consciente, ni volonté de mort. Les moyens utilisés pour se suicider
ou tenter de se suicider sont l’intoxication médicamenteuse, l’alcool, la
pendaison, la noyade, l’usage d’arme à feu, d’explosif, du feu et objets
brulants, d’objets tranchants, le saut dans le vide.
Quelles
sont les conséquences du suicide sur une famille ?
La mort
par suicide cause un stress sévère dans la famille. Les sentiments de
culpabilité sont toujours présents. Il est donc indispensable d’offrir aux
membres éprouvés des soins psychologiques pour les soutenir.
Que
faire lorsqu’une personne proche a des conduites suicidaires ?
Les
données scientifiques actuelles montrent qu’il convient d’être très prudent et
modeste en matière de prévention primaire du suicide. On peut toutefois
insister sur l’importance de reconnaitre les signes d’alerte et les facteurs de
risque et de les traiter chaque fois que possible. Ainsi, les parents ou la
famille doivent être informés sur les signes d’alarme qui indiquent qu’un
membre de la famille souffre et est éventuellement en crise suicidaire.
Ces
signes d’alarme sont principalement du genre « Je vais me foutre en l’air, je
ne vous embêterai plus, vous allez avoir la paix, je suis fatigué de la vie, la
vie me dégoûte ».
Les
parents doivent être informés sur les stratégies et les moyens utilisés par les
personnes suicidantes. En outre, ils doivent avoir une information sur les
moyens, les dispositifs et les ressources qui peuvent être sollicités en cas de
tentative de suicide. Ils doivent également œuvrer à créer un climat familial
apaisé, favoriser une communication ouverte entre les membres ; ils doivent
être attentifs aux signes d’alerte et au changement de comportement brutal ou
masqué d’un des membres et recourir aux professionnels et aux soins appropriés.
Comment
peut-on prévenir les tentatives de suicide ou conduites suicidaires ?
Plusieurs
pistes peuvent être envisagées en fonction du contexte et de la gravité des
séquelles. Mais puisqu’il s’agit d’une prise en charge complexe, il est
recommandé que les familles saisissent un psychologue ou conduisent la personne
à l’hôpital pour une orientation vers les services appropriés. Les services de
santé mentale sont disponibles dans les CHU et les hôpitaux sur toute l’étendue
du territoire togolais.
Quels
conseils donner à des personnes dont les défis de la vie les amènent à vouloir
opter pour le suicide ?
En cas de difficulté, lorsqu’on est dégoûté par la vie, il faut accepter s’ouvrir à un confident et rechercher l’aide d’un professionnel de santé mentale. Se suicider est loin d’être une solution pour résoudre les problèmes. L’homme est capable de relever tout défi, de trouver une solution aux difficultés de la vie.
Propos recueillis par Elom AKAKPO