Fausse couche/ Interview du Dr Dédé Benedicta Améwoui, Gynécologue Obstétricienne
- Posted on 20/03/2023 11:23
- Film
- By abelozih@sante-education.tg
Extrait de l'article: La fausse couche est un phénomène qui s’accompagne souvent d’un sentiment de culpabilité et de honte. Il s’agit pourtant d’un événement très fréquent : certaines des grossesses n’arrivent pas à leur terme. Les couples qui attendent un enfant s’interr
« Il ne faut
pas hésiter à se rendre aux urgences de l’hôpital le plus proche, y compris
pendant la nuit. Une fausse couche est considérée comme une urgence
obstétricale. »
La fausse couche est un phénomène qui s’accompagne souvent d’un sentiment de culpabilité et de honte. Il s’agit pourtant d’un événement très fréquent : certaines des grossesses n’arrivent pas à leur terme. Les couples qui attendent un enfant s’interrogent souvent sur les facteurs de risque et les conséquences de ces avortements spontanés. Voici des éclaircissements donnés par Dr Dédé Bénedicta Améwoui, Gynécologue Obstétricienne, Responsable de la Clinique Group Medical, dans cette interview.
Santé-Education :
Qu’est-ce qu’une fausse couche ?
Dr Dédé Benedicta Améwoui : On parle de
fausse couche (ou d’avortement spontané), quand une grossesse intra-utérine s’arrête
avant que l’embryon ou le fœtus ne soit viable, c’est-à-dire avant 22 semaines d’aménorrhée
en occident et 28 semaines d’aménorrhée dans les pays en voie de développement.
A quel
moment de la grossesse le risque est-il plus grand ?
La grande majorité des fausses couches (80-90%)
survient au cours du premier trimestre de grossesse et est liée à des problèmes
propres à l’embryon. Il arrive qu’une grossesse s’arrête au-delà de la 12ème
semaine d’aménorrhée, et on parle, dans ces cas, de fausse couche tardive.
Quels sont
les symptômes ?
La fausse couche présente habituellement les symptômes suivants : des saignements et des douleurs dans le bas ventre. Ces douleurs peuvent ressembler aux douleurs prémenstruelles ou aux contractions d’un accouchement, pour les femmes qui les connaissent. Mais il est tout à fait possible de n’avoir aucun symptôme. Une fausse couche très précoce, dite aussi « grossesse chimique », est souvent assimilée à un retard de règles. Il arrive aussi qu’une grossesse s’arrête brusquement sans symptômes particuliers et sans que la femme ne s’en aperçoive. C’est l’échographie qui signale que le cœur du fœtus a arrêté de battre.
Quand
faut-il consulter ?
Toute femme qui présente des saignements ou des
douleurs pendant la grossesse doit consulter un professionnel le plus
rapidement possible. Il ne faut pas hésiter à se rendre aux urgences de l’hôpital le plus proche, y compris
pendant la nuit. Une fausse couche est considérée comme une urgence obstétricale.
Quelle prise
en charge et quel traitement proposez-vous ?
Si l’échographie indique que la fausse couche a déjà
eu lieu ou est en cours, nous nous assurons que l’expulsion de l’embryon est
complète et que tout s’est bien passé grâce à un deuxième examen échographique
7 à 10 jours plus tard. Dans des cas précis nous surveillons également le taux
de bêta hCG (l’hormone de grossesse). Nous expliquons à nos patientes qu’en cas
de fièvre ou de pertes vaginales malodorantes il faut consulter immédiatement,
à cause du risque d’infection.
Quand l’échographie indique qu’une fausse couche est
incomplète ou qu’il s’agit d’une grossesse arrêtée, nous pouvons traiter par
médicaments ou chirurgicalement, par aspiration et/ou curetage.
Que faire en
cas de fausses couches à répétition ?
Quand une femme fait trois fausses couches
consécutives, nous parlons de « fausse couche à répétition », il lui
est demande toute une série d’analyses pour essayer de déterminer les causes du
problème, si problème il y a, afin de faire un traitement adapté.
Quels sont
les risques ?
L’hémorragie, la rétention d’œuf mort, la rétention placentaire, l’anémie, l’infection et même le décès, si elle n’est pas bien prise en charge. Un début de grossesse intra-utérine accompagné de douleurs dans le bas ventre et de saignements ne doit pas être sous-estimé.
Quelles sont
les causes d’une fausse couche ?
Plus la fausse couche est précoce, plus il y a de
chances qu’elle soit due à une anomalie chromosomique de l’embryon. En
revanche, les avortements spontanés qui surviennent au deuxième trimestre sont
généralement liés à un problème de santé de la mère (placentation, anomalies
anatomiques de l’utérus, problèmes endocriniens, infectieux, facteurs
environnementaux, etc.).
L’âge de la
mère est-il un facteur déterminant ?
Oui, en effet. Le risque d’avortement augmente avec l’âge de la mère. Une femme de 20 ans a seulement 10% de probabilité de faire une fausse couche, alors qu’à 40 ans le risque de fausse couche s’élève à 40-50% et même à 80% après 45 ans.
Y a-t-il des
comportements à éviter afin de limiter le risque de fausse couche ?
La grande majorité des fausses couches précoces ont pour cause des anomalies chromosomiques de l’embryon. Cela dit, il est important que la mère évite le tabac, l’alcool et bien sûr toute drogue, puisqu’il est impossible de dire quel est le taux sérique qui est nuisible au fœtus. Il est recommandé d’avoir une vie saine et de continuer à avoir de bonnes habitudes en termes d’alimentation et d’activité physique ou sportive.
Peut-on
avoir des séquelles physiques suite à une fausse couche ?
En cas de fausse couche il n’y a généralement aucune
séquelle physique. Il y a toutefois des risques d’infection de l’endomètre (endométrites),
d’où l’importance d’un suivi. En effet, le col de l’utérus reste légèrement
ouvert même lors d’une fausse couche spontanée. Des bactéries peuvent remonter
depuis le vagin et provoquer une infection. En cas de fausse couche nécessitant
un ou plusieurs curetages, il arrive parfois qu’une mauvaise cicatrisation de
l’utérus crée des synéchies utérines rendant plus difficile l’implantation de
l’œuf lors des prochaines grossesses. Il est donc possible d’avoir des cas
d’infertilité secondaire liés à une fausse couche suivie de complications.
Quelle sont
les probabilités de retomber enceinte après une fausse couche ?
Après une fausse couche sans complications, les
chances de concevoir et de mener à terme une grossesse sont identiques à celles
de toute autre femme. Des fausses couches à répétition peuvent, en revanche,
être le signe d’un problème d infertilité qui nécessite des examens plus
approfondis.
Qu’en est-il
de l’impact émotionnel ?
Vivre une fausse couche n’est jamais une expérience facile, d’autant plus que le sujet reste un réel tabou. Chaque femme est unique et son vécu l’est aussi. Certaines femmes souhaitent retomber enceinte le plus rapidement possible. D’autres ont besoin de temps pour faire le deuil de cette perte. Puis il y a une petite minorité de femmes qui vivent la fausse couche comme un soulagement, car elles n’osaient pas prendre la décision d’interrompre la grossesse volontairement.
D’après
vous, la fausse couche reste-t-elle un sujet tabou ?
Oui. En plus du chagrin lié à la perte, la mère est
souvent envahie par un grand sentiment de culpabilité et de honte. Elle se sent
le gardien du bébé qu’elle porte. Si quelque chose se passe mal, elle se sent
entièrement responsable. Il s’agit d’un sentiment irrationnel mais naturel.
Proposez-vous
un soutien psychologique au sein de votre clinique ?
Oui. Nous essayons d’identifier les patientes
vulnérables et nous leur proposons un soutien psychologique : des sage-femmes conseillères et des psychologues peuvent leur
venir en aide à tout moment. Il est parfois plus facile de se confier à un
professionnel, mais cela peut aussi se révéler artificiel. C’est pourquoi je
conseille toujours à mes patientes de chercher du soutien aussi auprès de leurs
proches.
Est-ce
courant de plonger dans une dépression après une fausse couche ?
Il y a beaucoup de femmes qui vivent cette épreuve
comme un échec personnel. La question qui revient souvent est « qu’ai-je
fait de mal ? ». La réponse est : « rien, absolument
rien ». J’essaye toujours de déculpabiliser les patientes qui se sentent
responsables ou qui éprouvent un sentiment de honte. Je leur rappelle qu’il
s’agit d’un phénomène biologique qui sort entièrement de leur contrôle. Elles
n’y peuvent absolument rien, bien que cela soit difficile à accepter.
Quels
conseils donneriez-vous à une femme qui vient de vivre une fausse couche ?
Il est important de tenir compte de l’expérience individuelle
de chaque femme et de chaque couple. Il est difficile de se mettre à leur place
et donner des conseils. J’essaye de rassurer mes patientes et je leur explique
qu’elles seront suivies pour vérifier que tout se passe bien. Il est important
qu’elles puissent se confier à leur entourage proche, parler de leur expérience
sans honte ni culpabilité. Il est essentiel de trouver du soutien pour
surmonter cette épreuve.
Propos recueillis par Abel OZIH