Pain au bromate : attention danger
- Posted on 16/07/2021 00:00
- Film
- By stephaneogou@gmail.com
Extrait de l'article: Le 13 juillet 2019, le gouvernement togolais a annoncé l'interdiction de l'importation, la commercialisation et l'utilisation du bromate de potassium « B via » sur l'ensemble du territoire national...
Le 13 juillet 2019, le gouvernement
togolais a annoncé l'interdiction de l'importation, la commercialisation et
l'utilisation du bromate de potassium « B via » sur l'ensemble du
territoire national. Il s’agit d’un additif alimentaire utilisé par plus de 90%
des boulangers et pâtissiers dans la fabrication du pain sucré ou salé, du
Sakomi ou du bon pain. D’après le gouvernement, le bromate de
potassium, un vrai « tueur silencieux » est très cancérigène et dangereux
pour la santé humaine. Malgré l’interdiction par un arrêté
interministériel, la psychose autour du pain au bromate ne faiblit pas. Si le
produit n’est pas un « améliorant », pourquoi continue-t-on d’en faire
usage tout en reconnaissant quand même sa nocivité ? Comment cet additif
alimentaire peut-il être nocif à la santé du consommateur ? Y a-t-il d’autres
améliorants de panification pour remplacer le bromate de potassium ? Comment
décourager l’utilisation par les boulangers ?
Le pain et ses dérivés font partie de tout menu de la ration alimentaire
quotidienne de chaque Togolais. Par conséquent, les produits entrant dans la fabrication
du pain et ses dérivés doivent être sélectionnés minutieusement afin de préserver
la santé du consommateur. « Malheureusement
dans le secteur de la boulangerie au Togo, les améliorants de panification utilisés
contiennent du bromate de potassium, un produit cancérigène et dangereux pour
la santé humaine. Ainsi au cours de cette année 2019 l’Etat togolais a pris un arrêté
dans ce sens. Il s’agit de l’arrêté interministériel
N°098/2019/MSHP/MCIDSPPCL/MSCPH du 13 juillet 2019 qui stipule que
l’importation, la commercialisation et l’utilisation des améliorants alimentaires
à base de bromate sont interdites au Togo », lit-on dans une
déclaration liminaire de la société Comptoir Groupe lors d’une conférence de
presse tenue le 24 octobre 2019 à l’hôtel 2 février.
Composition du
bromate de potassium
Le bromate de
potassium se présente sous la forme d’une poudre cristalline blanche. Il se décompose
vers 370°C avec émission de dioxygène. Le bromate de potassium est relativement
soluble dans l’eau mais pas du tout dans les alcools. Le bromate de potassium
est un oxydant puissant, bien plus que les chlorates. Il reste partiellement
actif en solution aqueuse, et la présence de chlorates le rend encore plus
toxique et cancérigène. « Au fait ce
n’est pas un produit alimentaire mais on l’utilise dans les cosmétiques,
également en laboratoire pour certaines analyses pour corriger quelques défauts
et on s’est rendu compte que des gens s’en sont approprié pour faire une
promotion dans la fabrication des pains et ses dérivés », explique M.
Martin Kokou Aziato, Ingénieur agronome, Chef Section
Technologie Alimentaire à l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA).
Pourquoi continue-t-on d’utiliser cet additif ?
Cet additif alimentaire dont le prix varie entre 3000 et 4000 F
CFA la boîte de 250 comprimés, est généralement utilisé par les boulangers pour
rendre le pain plus volumineux et lui donner un aspect croustillant. Le bromate de
potassium est un composé chimique inorganique dangereux utilisé pour raffermir
la pâte et rendre le pain plus attrayant et plus gros. Avec une boîte
de ce produit, les boulangers peuvent lever près de 200 sacs de 50kg de farine
de blé et donc couper plus de pains pour augmenter leurs revenus. Mlle Akoélé, boulangère au quartier Totsi à
Lomé confie : « sans le produit « B
via », je ne peux pas fabriquer du pain. Je ne peux pas m’en passer. Sans « B via », le travail est vain, la pâte ne sera pas
levée. Ce produit est indispensable
pour moi dans la fabrication du pain. Le pain est ainsi bien ferme, volumineux et bon à manger ».
« J’ai perdu des clients
depuis cette alerte sur le bromate. Et j’ai utilisé un autre produit. Mais je
n’ai pas eu les mêmes résultats. Ça été
un coup dur pour moi. Mes revenus ont chuté considérablement », a témoigné un
boulanger rencontré dans le quartier Adidogomé.
« Malgré
les appels et sensibilisations des boulangers sur les dangers que représentent
le Bromate de potassium, certains, par cupidité ou ignorance continuent d’en
faire usage sachant qu’il est nocif pour la santé. On cherche à prospérer au détriment de la
santé et de la sécurité des consommateurs », relève M.
Emmanuel Sogadji, Président de la Ligue Togolaise des Consommateurs (LTC).
Le souci c’est qu’il y a certains qui ont pris conscience et ont
renoncé à l’usage du de « B via », mais « d’autres, compte tenu du coût des autres produits qui sont disponibles
et du manque de technologie appropriée pour utiliser ces nouveaux produits, ils
se contentent encore du bromate de potassium. Ils n’ont pas la main pour l’usage
de ces produits et sont toujours dans l’ancien système. Comme c’est leur gagne-pain
quotidien, ils veulent coûte que coûte produire, vendre et puis nourrir les bouches
qui sont à leur disposition », martèle M. Martial Kokou Aziato.
Des risques notoires sur la
santé
Le bromate de potassium est un oxydant puissant. C’est un
poison lent. C’est un produit dont l’effet survient des années après. 10 voire
20 ans après, des cas de cancers sont constatés. A en croire Martin Aziato, Chef Section Technologie Alimentaire à l’ITRA, « en
consommant les produits à base du bromate de potassium, il y aura une dégradation
progressive de l’état de santé du consommateur qui va se manifester par l’apparition
de certains problèmes de nerfs, courbatures et au finish, cela va aboutir à la
formation des cellules malignes ou cancérigènes. C’est l’apparition de ces tumeurs qui entrainent
irréversiblement la mort du patient».
« La réalité est que
ce produit dangereux détruit la santé des populations. Ce n’est pas un produit
dont l’effet est simultané. Dans une dizaine d’années après, les consommateurs
constatent des cas de cancer qui apparaissent. Nous sommes tous exposés aux
risques de ce produit. Même les fabricants du pain. Parce qu’en touchant ces
comprimés dangereux, ils sont ceux qui meurent très vite d’ailleurs, ceci dans
l’ignorance. La majorité ne le sait pas», a renchéri Dr Abdoulatif Diallo, Chercheur en
toxicologie à l’Université de Lomé.
Ce produit chimique peut
causer diverses affections, dont des douleurs abdominales, la diarrhée et des
nausées, l’insuffisance rénale, hypotension, de la
surdité, des vertiges ou abîmer les reins. « Aujourd’hui quand vous mangez
certains pains, déjà demain matin vous êtes constipé, vous avez des douleurs
abdominales. C’est difficile pour vous d’aller au WC et faire la selle»,
avoue M. Koffitsè, 31 ans, Menuiser à
Adidogomé.
« En
quantité élevée, le bromate n’est pas complètement détruit et ses résidus
peuvent se retrouver dans le pain produit. De plus, l’usage répétitif du
produit sur le long terme peut avoir des effets délétères. Cette substance a des effets néfastes sur le
système immunitaire et est génotoxique, d’où le lien avec le cancer », précise Dr
Abdoulatif Diallo, Chercheur en toxicologie à l’Université de Lomé.
Tout comme les consommateurs, les boulangers et pâtissiers sont aussi exposés aux effets négatifs de ce produit sur la santé, des cas de décès et d’intoxication. Plusieurs autres produits « nuisibles » à la santé et utilisés dans la fabrication du pain à l’instar du «jaune orangé Sunset» (E 110), ont été signalés. Ce produit est utilisé pour colorer le pain afin de tromper la vigilance des consommateurs et leur faire croire que c’est du pain de soja.

Renforcer les
contrôles dans les boulangeries
La Ligue Togolaise des Consommateurs (LTC) a du reste initié début août,
une série de descentes inopinées dans les boulangeries de Lomé, en vue de
s’assurer du respect effectif de l’interdiction prononcée en juillet dernier. Il
s’agit de « traquer» les boulangers qui ne se conforment pas à la
réglementation afin de les traduire devant la justice. « Toute personne reconnue coupable
d'avoir violé le nouveau décret est passible d'une amende de 10 000 à 500 000
FCFA. De plus, des inspections inopinées seront menées par les services
compétents pour s'assurer le respect de la décision », informe
l'arrêté gouvernemental.
Tata Amétonyénou, Directeur exécutif de l’Organisation pour l’Alimentation et le Développement Local (OADEL) préconise,
pour sa part, un contrôle « musclé » aux frontières et « rigoureux » dans les
boulangeries pour assurer le respect de l’interdiction. Par ailleurs, la
majeure partie des améliorants disponibles sur le marché ne sont pas contrôlés
par les autorités. Ce qui fait qu’on ne maitrise
pas effectivement leur contenu, leur provenance. Cela constitue aussi un risque
pour le consommateur.
Renforcer la
sensibilisation
« Je sais qu’on a interdit le « B via » sur le marché. On
dit que cela cause le cancer. Moi depuis plus de deux ans que j’utilise ce
produit je n’ai jamais eu aucun problème de santé. « B via » est
l’améliorant qui nous profite. Mais depuis, là je ne suis pas au courant qu’il
y a une autre formule efficace pour remplacer « B via », assure Mlle Akoélé. Voici l’une
des raisons majeures qui doit pousser à renforcer la sensibilisation sur le
territoire national. Y a-t-il un manque de communication et d’information à l’endroit des
boulangers ? Les boulangers prennent-ils réellement conscience des dangers
du bromate de potassium ? On doit
tout faire pour les sensibiliser et conscientiser ou les orienter vers les
contrôles qualité des produits. Mener des sensibilisations pour que tout le
monde prenne conscience afin d’utiliser à la place de ce produit, des
améliorants recommandés et par-dessus garantir la santé des consommateurs. Et, souligne l’ingénieur agronome, Kokou Aziato, « ces
sensibilisations et formations doivent être organisées. On demande aussi aux
spécialistes dans le domaine, de présenter aux boulangers les dangers, de leur
faire des démonstrations. On doit revoir leur formation professionnelle. Il
faut aller de façon concrète et pratique ».
Trouver une autre
alternative
Il y a d’autres améliorants qui remplacent
valablement le bromate de potassium. Donc, les boulangères ne doivent plus
avoir une quelconque raison d’utiliser le bromate et de continuer par
« assassiner » les consommateurs. Pour produire un bon pain, il faut des
améliorants qui contiennent de l’acide ascorbique de la vitamine C.
Pour Martin Aziato, l’interdiction du bromate de potassium n’est
pas une mesure suffisante pour en décourager l’utilisation par les boulangers. « Il faut promouvoir les solutions
alternatives comme les produits dérivés à base de vitamine C qui existent sur
le marché, ou développer des produits à un coût abordable pour les boulangers. Pour faire du pain, l’acide ascorbique
peut remplacer valablement le bromate de potassium et donner les mêmes
résultats», propose-t-il. Certains
esprits éveillés conseillent l’utilisation de « Sweet Bread », un autre
produit indispensable à la bonne fabrication des pains mais beaucoup moins
nuisible que le bromate.
L’une des mesures « efficaces »
que propose OADEL est « l’incorporation
des farines panifiables dans la fabrication des pains. Nous travaillons essentiellement sur la
farine du sorgho et du soja. Et nous travaillons avec les boulangères jusqu’à
ce qu’elles incorporent 15% de farine de soja », a rappelé Tata
Ametonyenou, Directeur exécutif de l’OADEL.
Abel OZIH