Interview du Pr Mofou Bélo sur l’Accident vasculaire cérébral (AVC)

Interview du Pr Mofou Bélo sur l’Accident vasculaire cérébral (AVC)
Extract from the article: C’est un déficit neurologique soudain à l’origine d’un déficit moteur, sensoriel, par obstruction ou rupture d’une artère cérébrale. On parle d’AVC, lorsque par exemple,...

« En cas de survenue d’un accident vasculaire cérébral, Il ne faut pas perdre une seule minute puisque au-delà de 6 heures, les cellules du cerveau meurent »

 

Chaque 29 octobre est célébrée la journée mondiale de l’Accident Vasculaire Cérébral (AVC). Troisième cause de mortalité, après les cancers et les cardiopathies ischémiques, et première cause d’incapacité motrice, les AVC sont aujourd’hui un réel problème de santé publique au Togo.   Des études menées récemment aux CHU Sylvanus Olympio et Campus de  Lomé ont montré que plus de 50% des patients admis sont atteints et les cas d’AVC ne cessent d’augmenter. Quelle est la particularité des accidents vasculaires cérébraux ?  Quels sont les moyens de prévention et de lutte contre cette pathologie ? Pr Mofou Bélo, Spécialiste de Neurologie et de Neurophysiologie au CHU Sylvanus Olympio de Lomé, Chef de Division des Maladies Non Transmissibles, donne de précieuses indications.

Santé-Education : Qu’entend-on par Accident Vasculaire Cérébral ?

Pr. Mofou Bélo: C’est un déficit neurologique soudain à l’origine d’un déficit moteur, sensoriel, par obstruction ou rupture d’une artère cérébrale. On parle d’AVC, lorsque par exemple, un individu qui est sain présente brutalement une hémiplégie, une perte de la vision ou une perte du langage de façon brutale.

Quels sont les facteurs favorisant la survenue d’un AVC ?

Il faut distinguer deux types de facteurs favorisant les AVC. D’abord les facteurs modifiables : c’est des facteurs sur lesquels on peut agir pour éviter la survenue d’un accident vasculaire cérébral.

Il s’agit de : l’hypertension artérielle : elle est identifiée comme un tueur silencieux. C’est le premier facteur favorisant l’AVC. Au Togo plus de 80% des victimes d’AVC sont hypertendus. Le diabète : il se définit comme un taux de sucre élevé dans le sang. Le Diabète crée un cercle vicieux puisqu’il va être à l’origine de l’Hypertension artérielle. L’obésité : une personne qui est obèse va être forcément hypertendue et diabétique. L’inactivité physique : un individu qui s’inscrit dans le cadre de l’inactivité physique va être obèse, diabétique et aura un taux de graisse dans le sang élevé. Il finira par être hypertendu. Le taux de graisse élevé dans le sang : c’est un facteur très important dans notre pays. Le régime pauvre en graisse n’est respecté. Les huiles de consommation fréquentes sur nos marchés ne sont pas contrôlées et sont parfois des huiles animales. La prise de pilule : les pilules pour éviter les grossesses indésirées. La pauvreté : Lorsqu’on est pauvre, on ne peut pas acheter son médicament antihypertenseur ; on ne peut pas aller chez le médecin. Pauvreté sous-entend également le sous équipement des structures sanitaires pour agir en cas de survenue des AVC. Augmenter le niveau de vie de la population peut aider à la prévention des AVC. L’ignorance : elle tue dit-on souvent. Car, on peut beau être riche et avoir tous les moyens, mais lorsqu’on est ignorant, c’est comme on n’a rien. Il faut lutter contre analphabétisme et intensifier aussi la sensibilisation. La prise de l’alcool : elle entraîne l’obésité, la sédentarité, le taux de cholestérol, la fragilité des artères et conduit à l’hypertension Le tabac : il génère les plaques d’athérome qui favorisent les infarctus du myocarde et les AVC Le stress est considéré comme un facteur de risque non négligeable.


Ensuite, les facteurs non modifiables.  On a l’âge : plus on avance en âge plus on est à risque de faire un AVC. Dans notre pays, à partir de 40 ans, les facteurs semblent entre là et c’est là où il faut faire beaucoup attention. Le sexe : dans le monde, ce sont les hommes qui sont plus à risques. Mais dans notre pays, les femmes au foyer sont les grandes victimes car souvent sédentaires, obèses et n’ayant pas forcément les informations sur la maladie. La race : des études menées en Afrique du Sud et dans la population noire américaine ont montré que les sujets noirs sont plus à risque et il semble qu’il y a des facteurs génétiques.

Quelles sont les causes d’AVC ?

L’hypertension et les malformations artérioveineuses sont à l’origine des accidents vasculaires hémorragiques, caractérisés par une rupture des artères.

Pour les accidents vasculaires ischémiques, caractérisés par la formation d’un caillot qui bouche une artère dans le cerveau, on peut citer l’hypertension, les malformations cardiaques, l’infarctus du myocarde.

Quels sont les signes d’alerte d’un AVC ?

En dehors de la mort brutale, on peut citer : une perte brutale du langage, une perte brutale de la vision, une perte de la motricité de la moitié du corps, les troubles de l’équilibre, le vertige, la perte de la sensibilité de la moitié du corps.

Comment doit-on réagir en voyant ces signes ?

Le premier geste à faire en cas d’un AVC est d’appeler immédiatement un médecin ou transférer directement le malade dans une structure hospitalière ou dans une clinique où exerce un neurologue. Il faut éviter de perdre du temps en gardant le malade à la maison ou en allant dans les cliniques non équipées.

L’idéal serait d’avoir un centre d’appel pour la régulation de patients qui font un AVC. Mais à défaut, les patients peuvent être amenés dans les CHU à Lomé ou dans certaines cliniques de la place pour une meilleure prise en charge.

Pourquoi c’est si urgent d’agir en cas d’un AVC ?

Les anglo-saxons disent « time is brain » de la même manière que le commerçant dit « time is money » (le temps c’est de l’argent). Il ne faut pas perdre une seule minute puisque au-delà de 6 heures sans être alimentées, les cellules du cerveau meurent. Nous devons comprendre que lorsqu’il y a AVC, le sang ne remonte plus au cerveau donc les cellules meurent.

Existe-t-il des chances de récupérer après un AVC ?

Oui, il y a des chances de récupérer et la récupération est fonction du délai d’admission et de prise en charge. Mais dans notre pays où nous n’avons pas les moyens pour agir rapidement, c’est un difficile pour nous. L’idéal serait d’avoir les molécules qu’on appelle les «anti thrombotiques » qui permettent de recanaliser les tuyaux du cerveau qui sont bouchés par les caillots de sang.

Cependant, lorsque les malades sont orientés vers un neurologue, la prise en compte des facteurs de risques et la surveillance régulière permettent de récupérer rapidement. Depuis que les structures de neurologie sont installées au Togo, la mortalité chez les patients victimes d’AVC est passée de 50 à 17%.


Après un AVC, vers qui doit-on se tourner ?

La prise en charge de l’AVC est multidisciplinaire. Elle implique de ce fait, le neurologue, le radiologue, le cardiologue, le diabétologue, le kinésithérapeute, l’orthophoniste, et l’ergothérapeute. Un soutien psychologique par les psychologues est aussi important. Mais une fois retourné à la maison, le patient devait être confié au médecin de famille, de préférence un généraliste.

Comment prévenir la récidive ?

Le risque de récidive après un AVC est grand. Théoriquement, 24 mois après la survenue d’un AVC, on est à risque de faire une autre crise. Pour éviter la récidive, il faut donc maîtriser les facteurs de risque, en prenant régulièrement les médicaments, en faisant du sport, en évitant les repas riches en graisse et sucre, et surtout retourner voir régulièrement son médecin ou son neurologue.

Comment prévenir un AVC ?

Pour la prévention des AVC j’ai l’habitude de rappeler cette citation du philosophe Socrate : « connais-toi, toi-même ». Cela veut dire qu’il faut se faire dépister les facteurs de risque tôt. Pour un individu qui n’est pas hypertendu, il doit se faire prendre la tension au moins 2 à 3 fois l’année. Celui qui est hypertendu doit voir son cardiologue régulièrement et prendre ses médicaments tels que prescrits en respectant surtout les prises.

D’une manière générale, il faut : pratiquer une activité physique telle que recommandée par l’OMS, c’est à dire 30 minutes d’exercice physique comme le jogging ou la marche, manger des repas pauvres en graisse, sel et sucre tout en misant plus sur les légumes et les fruits, éviter de fumer du tabac et de boire l’alcool. A côté du respect de ces règles, il faut voir régulièrement son médecin.

Votre mot de la fin

Il ne faut pas paniquer lorsque soi-même ou un parent ont un signe d’AVC. Il faut prendre le courage d’aller vers une structure de santé, en particulier les CHU pour se faire prendre en charge. Lorsque l’accident survient la nuit, il ne faut pas perdre le temps et se dire que c’est la nuit et qu’on va attendre le lendemain avant d’aller à l’hôpital ou bien se dire qu’on va prendre un quelconque médicament en attendant que le jour se lève. Il faut agir rapidement car plus on perd le temps plus les complications sont graves.

Propos recueillis par Gamé KOKO

Author
sa
Editor

C’est un déficit neurologique soudain à l’origine d’un déficit moteur, sensoriel, par obstruction ou rupture d’une artère cérébrale. On parle d’AVC, lorsque par exemple,...

YOU MIGHT ALSO LIKE