Soins palliatifs au Togo : urgence d’un accompagnement digne pour les malades chroniques
- Posted on 31/05/2025 11:39
- Film
- By abelozih@sante-education.tg

Extrait de l'article: Face à la souffrance silencieuse de milliers de patients atteintes de maladies potentiellement mortelles, des acteurs de la santé au Togo, regroupant les médecins, infirmiers et responsables d’associations en soins palliatifs puis les professionnels
Face
à la souffrance silencieuse de milliers de patients atteintes de maladies
potentiellement mortelles, des acteurs de la santé au Togo, regroupant les
médecins, infirmiers et responsables d’associations en soins palliatifs puis
les professionnels de médias ont uni leurs voix pour un plaidoyer fort en
faveur du développement des soins palliatifs dans notre pays. C’était au cours
d’une conférence de presse organisée par le Ministère de la Santé et de
l'Hygiène Publique avec l'appui technique d’Hospice Africa, à travers la
Division de la Surveillance des Maladies Non Transmissibles, le jeudi 22 mai
2025 à Lomé.
« Les soins palliatifs, ne sont pas du luxe,
mais un droit humain fondamental. Le Togo veut faire des soins palliatifs une
priorité nationale. Quelle que soit la maladie ou la condition, on doit pouvoir
vivre ses derniers jours avec dignité, sans souffrance. Nous voulons mobiliser
tous les acteurs, ministères, professionnels de santé, société civile,
partenaires techniques et financiers autour d’une vision partagée : intégrer
pleinement les soins palliatifs dans le système de santé togolais », a martelé
le Pr Mofou Belo, Chef Division de la surveillance des maladies non
transmissibles (MNT) au Togo, au cours de la rencontre, dont l’objectif est de
fédérer les énergies pour renforcer la promotion et la sensibilisation des
soins palliatifs au Togo.
Ce
plaidoyer vise également à attirer l’attention des autorités sanitaires et des
décideurs des médias sur l’urgence d’un cadre national de soins palliatifs,
avec une stratégie claire, des moyens dédiés et une formation adéquate des
professionnels de santé.
Pour
Sylvie Dive, infirmière ougandaise, enseignante en soins palliatifs à Hospice
Africa Uganda, offrir des soins palliatifs c’est reconnaître la valeur de
chaque vie jusqu’à son terme. « Ce plaidoyer rappelle que l’enjeu est de
transformer cette prise de conscience en action concrète, pour que chaque vie,
même à son dernier souffle, soit respectée, entourée, apaisée. Apporter un
soutien décent aux patients en phase terminale n'est pas un privilège, mais une
obligation éthique et humanitaire », souligne-t-elle.
L’utilité
des soins palliatifs
Les
soins palliatifs ne doivent pas être perçus comme une solution de dernier
recours, mais doivent dans la mesure du possible être intégrés précocement au
parcours de soins du patient. L’enseignante en soins palliatifs, Sylvie Dive
fait comprendre que la principale mission des soins palliatifs est de soulager
la douleur physique et d’accompagner la souffrance psychologique, sociale et
spirituelle. Cela améliore considérablement la qualité de vie, même lorsque la
guérison n’est plus possible.
Pour
elle, « intégrer les soins palliatifs dans les hôpitaux et centres de santé du
Togo, c’est humaniser les soins et reconnaître que chaque vie mérite dignité,
attention et respect, jusqu’au bout. Ne pas offrir ces soins, c’est laisser les
malades mourir dans la douleur, ce qui est contraire aux droits fondamentaux ».
Le
Pr. Mofou Belo a montré que les soins palliatifs sont « un impératif de santé
publique et de justice sociale, car les personnes les plus démunies, qui n'ont
pas la possibilité d'accéder aux soins onéreux à l'étranger, ont aussi droit à
une fin de vie digne », explique-t-il.
Selon
Koffi Tengue, Directeur Exécutif de l’ONG Organisation Jeunesse pour le
Développement Communautaire (ORJEDEC), ces soins sont interdisciplinaires et
s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches,
aussi bien à domicile qu’en institution.
Un
enjeu de santé publique encore trop ignoré
Au
Togo, les soins palliatifs demeurent l’un des aspects les plus méconnus du
système de santé, fait savoir Koffi Tengue, Directeur Exécutif de l’ONG
ORJEDEC.
Le soin palliatif est un impératif de santé publique et de dignité humaine. « Malheureusement, en Afrique, beaucoup ne consultent qu’à un stade avancé de la maladie, ce qui limite considérablement l’impact de cette approche », regrette Dr Eddie Mwebesa, Directeur des programmes internationaux à Hospice Africa Uganda.
Alors
que des milliers de personnes vivent avec des maladies graves ou en phase
terminale, la prise en charge de la douleur et de la souffrance reste minimale,
voire inexistante, reconnait le Pr Belo.
Selon
les données de l'enquête STEPS Togo 2021 la prévalence des maladies non
transmissibles (hypertension artérielle, diabète, cancer...) est en
augmentation, entraînant une demande croissante de soins palliatifs. Selon
GLOBOCAN, le Togo a enregistré en 2022, 5491 nouveaux cas de cancers dont 3605
décès. Parmi les autres maladies chroniques d’origine infectieuse, le VIH/Sida
occupe la première place avec une prévalence moyenne de 1,9% en 2022 selon
l'annuaire statistique. Sur la base de la prévalence moyenne du VIH/Sida en
2022, plus de 100 000 personnes nécessiteraient des soins palliatifs chaque
année au Togo.
«
La douleur souvent intense et persistante reste le symptôme majeur pour ces
patients. Il est inacceptable qu’aujourd’hui encore tant de Togolais vivent et
meurent dans la souffrance sans accès à un accompagnement
digne et humain. Les soins palliatifs ne sont pas synonymes de mort. Ils
permettent de vivre jusqu’au bout avec dignité », souligne le chef division de
la surveillance des MNT.
Le
manque d’engagement politique, combiné à des tabous culturels sur la mort et la
maladie, contribue à maintenir ce silence autour d’un besoin pourtant
fondamental : celui de mourir dans la dignité, relève Sylvie Dive, enseignante
en soins palliatifs. Trop de malades meurent dans la souffrance, isolés, sans
accompagnement médical, psychologique ou spirituel, alerte-t-elle.
Des
défis existent
Malgré
les efforts engagés par le Togo pour la formation du personnel et pour le
partenariat, les acteurs estiment que les soins palliatifs peinent à se
développer et ne sont pas prises en compte pour avoir un réel impact sur le
système de santé. La division de surveillance des maladies non transmissibles
(DivSMNT) après avoir participé au 3eme congrès Béninois des soins palliatifs
qui a eu lieu à Cotonou du 17 au 19 octobre 2024, a une fois encore pris la
mesure du retard du Togo dans ce domaine.
Le
Pr Mofou Belo a évoqué des difficultés entre autres : la faiblesse d'engagement
politique de haut niveau et de cadre juridique réglementaire pour soutenir et
accompagner le développement des soins palliatifs, la non intégration des soins
palliatifs dans les curricula de formation des professionnelles de la santé,
l'inexistence d'unités et d'équipes mobile de soins palliatifs, à domicile et
d'hospice communautaire publique, la faible disponibilité des produits
morphiniques pour la prise en charge de la douleur des patients, l’absence
d'une association nationale des soins palliatifs au Togo.
Implication
unanime de tous les acteurs
Les
soins palliatifs ont été intégrés dans le système de santé depuis 2014.
Actuellement, 22 spécialistes en soins palliatifs ont été formés sur toute
l’étendue du territoire national, note Pr Belo. Cependant les engagements
internationaux pris par le Togo notamment dans le cadre de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), les soins palliatifs ne figurent toujours pas parmi
les priorités nationales de santé publique. Or des pays voisins comme le Bénin
ou le Ghana ont déjà engagé des réformes dans ce domaine.
A
cet effet, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer une politique nationale
structurée en matière de soins palliatifs. Esinam Mawuli Daké, Présidente de
l’association pour la prise en charge des personnes âgées vulnérables au Togo
(APAV-Togo), propose des recommandations pour renforcer le plaidoyer en faveur
du développement des soins palliatifs. «
Il faudra que l'État soit très regardant dans la problématique des soins
palliatifs. Les politiques doivent procéder à l’intégration des soins
palliatifs dans les programmes de santé publique. La sensibilisation des
populations est aussi essentielle pour vaincre les tabous sur la mort et la
souffrance », énumère-t-elle.
Par
ailleurs, les journalistes doivent jouer un rôle crucial dans le renforcement
du plaidoyer en faveur des soins palliatifs. « Les professionnels de médias
doivent informer les populations sur ce que sont les soins palliatifs, en
démystifiant les idées reçues. Ils doivent amener tous les acteurs à comprendre
l’importance d’un accès équitable aux soins palliatifs pour améliorer la
qualité de vie des personnes atteintes de maladies graves ou en fin de vie. Il
faut aussi qu’ils travaillent avec des organisations de santé, des associations
de patients et des institutions médicales pour renforcer la portée des messages
de sensibilisation », fait savoir le Pr Belo.
L'appel
en faveur des soins palliatifs au Togo ne se limite pas à une démarche
médicale. Plus qu’un combat, c’est une urgence morale et sanitaire car chacun
pourra en avoir besoin en un moment de sa vie.
William
O.