Soins palliatifs au Togo : urgence d’un accompagnement digne pour les malades chroniques

Soins palliatifs au Togo : urgence d’un accompagnement digne pour les malades chroniques
Extrait de l'article: Face à la souffrance silencieuse de milliers de patients atteintes de maladies potentiellement mortelles, des acteurs de la santé au Togo, regroupant les médecins, infirmiers et responsables d’associations en soins palliatifs puis les professionnels

Face à la souffrance silencieuse de milliers de patients atteintes de maladies potentiellement mortelles, des acteurs de la santé au Togo, regroupant les médecins, infirmiers et responsables d’associations en soins palliatifs puis les professionnels de médias ont uni leurs voix pour un plaidoyer fort en faveur du développement des soins palliatifs dans notre pays. C’était au cours d’une conférence de presse organisée par le Ministère de la Santé et de l'Hygiène Publique avec l'appui technique d’Hospice Africa, à travers la Division de la Surveillance des Maladies Non Transmissibles, le jeudi 22 mai 2025 à Lomé.

 « Les soins palliatifs, ne sont pas du luxe, mais un droit humain fondamental. Le Togo veut faire des soins palliatifs une priorité nationale. Quelle que soit la maladie ou la condition, on doit pouvoir vivre ses derniers jours avec dignité, sans souffrance. Nous voulons mobiliser tous les acteurs, ministères, professionnels de santé, société civile, partenaires techniques et financiers autour d’une vision partagée : intégrer pleinement les soins palliatifs dans le système de santé togolais », a martelé le Pr Mofou Belo, Chef Division de la surveillance des maladies non transmissibles (MNT) au Togo, au cours de la rencontre, dont l’objectif est de fédérer les énergies pour renforcer la promotion et la sensibilisation des soins palliatifs au Togo.

Ce plaidoyer vise également à attirer l’attention des autorités sanitaires et des décideurs des médias sur l’urgence d’un cadre national de soins palliatifs, avec une stratégie claire, des moyens dédiés et une formation adéquate des professionnels de santé.

Pour Sylvie Dive, infirmière ougandaise, enseignante en soins palliatifs à Hospice Africa Uganda, offrir des soins palliatifs c’est reconnaître la valeur de chaque vie jusqu’à son terme. « Ce plaidoyer rappelle que l’enjeu est de transformer cette prise de conscience en action concrète, pour que chaque vie, même à son dernier souffle, soit respectée, entourée, apaisée. Apporter un soutien décent aux patients en phase terminale n'est pas un privilège, mais une obligation éthique et humanitaire », souligne-t-elle.

L’utilité des soins palliatifs

Les soins palliatifs ne doivent pas être perçus comme une solution de dernier recours, mais doivent dans la mesure du possible être intégrés précocement au parcours de soins du patient. L’enseignante en soins palliatifs, Sylvie Dive fait comprendre que la principale mission des soins palliatifs est de soulager la douleur physique et d’accompagner la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Cela améliore considérablement la qualité de vie, même lorsque la guérison n’est plus possible.

Pour elle, « intégrer les soins palliatifs dans les hôpitaux et centres de santé du Togo, c’est humaniser les soins et reconnaître que chaque vie mérite dignité, attention et respect, jusqu’au bout. Ne pas offrir ces soins, c’est laisser les malades mourir dans la douleur, ce qui est contraire aux droits fondamentaux ».

Le Pr. Mofou Belo a montré que les soins palliatifs sont « un impératif de santé publique et de justice sociale, car les personnes les plus démunies, qui n'ont pas la possibilité d'accéder aux soins onéreux à l'étranger, ont aussi droit à une fin de vie digne », explique-t-il.

Selon Koffi Tengue, Directeur Exécutif de l’ONG Organisation Jeunesse pour le Développement Communautaire (ORJEDEC), ces soins sont interdisciplinaires et s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, aussi bien à domicile qu’en institution.

Un enjeu de santé publique encore trop ignoré

Au Togo, les soins palliatifs demeurent l’un des aspects les plus méconnus du système de santé, fait savoir Koffi Tengue, Directeur Exécutif de l’ONG ORJEDEC.

Le soin palliatif est un impératif de santé publique et de dignité humaine. « Malheureusement, en Afrique, beaucoup ne consultent qu’à un stade avancé de la maladie, ce qui limite considérablement l’impact de cette approche », regrette Dr Eddie Mwebesa, Directeur des programmes internationaux à Hospice Africa Uganda.


Alors que des milliers de personnes vivent avec des maladies graves ou en phase terminale, la prise en charge de la douleur et de la souffrance reste minimale, voire inexistante, reconnait le Pr Belo.

Selon les données de l'enquête STEPS Togo 2021 la prévalence des maladies non transmissibles (hypertension artérielle, diabète, cancer...) est en augmentation, entraînant une demande croissante de soins palliatifs. Selon GLOBOCAN, le Togo a enregistré en 2022, 5491 nouveaux cas de cancers dont 3605 décès. Parmi les autres maladies chroniques d’origine infectieuse, le VIH/Sida occupe la première place avec une prévalence moyenne de 1,9% en 2022 selon l'annuaire statistique. Sur la base de la prévalence moyenne du VIH/Sida en 2022, plus de 100 000 personnes nécessiteraient des soins palliatifs chaque année au Togo.

« La douleur souvent intense et persistante reste le symptôme majeur pour ces patients. Il est inacceptable qu’aujourd’hui encore tant de Togolais vivent et meurent dans la souffrance sans accès à un accompagnement digne et humain. Les soins palliatifs ne sont pas synonymes de mort. Ils permettent de vivre jusqu’au bout avec dignité », souligne le chef division de la surveillance des MNT.

Le manque d’engagement politique, combiné à des tabous culturels sur la mort et la maladie, contribue à maintenir ce silence autour d’un besoin pourtant fondamental : celui de mourir dans la dignité, relève Sylvie Dive, enseignante en soins palliatifs. Trop de malades meurent dans la souffrance, isolés, sans accompagnement médical, psychologique ou spirituel, alerte-t-elle.

Des défis existent

Malgré les efforts engagés par le Togo pour la formation du personnel et pour le partenariat, les acteurs estiment que les soins palliatifs peinent à se développer et ne sont pas prises en compte pour avoir un réel impact sur le système de santé. La division de surveillance des maladies non transmissibles (DivSMNT) après avoir participé au 3eme congrès Béninois des soins palliatifs qui a eu lieu à Cotonou du 17 au 19 octobre 2024, a une fois encore pris la mesure du retard du Togo dans ce domaine.

Le Pr Mofou Belo a évoqué des difficultés entre autres : la faiblesse d'engagement politique de haut niveau et de cadre juridique réglementaire pour soutenir et accompagner le développement des soins palliatifs, la non intégration des soins palliatifs dans les curricula de formation des professionnelles de la santé, l'inexistence d'unités et d'équipes mobile de soins palliatifs, à domicile et d'hospice communautaire publique, la faible disponibilité des produits morphiniques pour la prise en charge de la douleur des patients, l’absence d'une association nationale des soins palliatifs au Togo.

Implication unanime de tous les acteurs

Les soins palliatifs ont été intégrés dans le système de santé depuis 2014. Actuellement, 22 spécialistes en soins palliatifs ont été formés sur toute l’étendue du territoire national, note Pr Belo. Cependant les engagements internationaux pris par le Togo notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les soins palliatifs ne figurent toujours pas parmi les priorités nationales de santé publique. Or des pays voisins comme le Bénin ou le Ghana ont déjà engagé des réformes dans ce domaine.

A cet effet, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer une politique nationale structurée en matière de soins palliatifs. Esinam Mawuli Daké, Présidente de l’association pour la prise en charge des personnes âgées vulnérables au Togo (APAV-Togo), propose des recommandations pour renforcer le plaidoyer en faveur du développement des soins palliatifs.  « Il faudra que l'État soit très regardant dans la problématique des soins palliatifs. Les politiques doivent procéder à l’intégration des soins palliatifs dans les programmes de santé publique. La sensibilisation des populations est aussi essentielle pour vaincre les tabous sur la mort et la souffrance », énumère-t-elle.

Par ailleurs, les journalistes doivent jouer un rôle crucial dans le renforcement du plaidoyer en faveur des soins palliatifs. « Les professionnels de médias doivent informer les populations sur ce que sont les soins palliatifs, en démystifiant les idées reçues. Ils doivent amener tous les acteurs à comprendre l’importance d’un accès équitable aux soins palliatifs pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies graves ou en fin de vie. Il faut aussi qu’ils travaillent avec des organisations de santé, des associations de patients et des institutions médicales pour renforcer la portée des messages de sensibilisation », fait savoir le Pr Belo.

L'appel en faveur des soins palliatifs au Togo ne se limite pas à une démarche médicale. Plus qu’un combat, c’est une urgence morale et sanitaire car chacun pourra en avoir besoin en un moment de sa vie.

William O.

Auteur
santé éducation
Rédacteur
Abel OZIH

Face à la souffrance silencieuse de milliers de patients atteintes de maladies potentiellement mortelles, des acteurs de la santé au Togo, regroupant les médecins, infirmiers et responsables d’associations en soins palliatifs puis les professionnels

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