Lutte contre la drépanocytose: Interview Docteur Hèzouwè Magnang, Directeur du CNRSD
- Posted on 18/06/2025 23:03
- Film
- By kolaniyendoumiesther@gmail.com
Extrait de l'article: La drépanocytose est une maladie héréditaire grave. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, c’est la maladie génétique la plus répandue au monde. En Afrique, environ un enfant sur 65 est drépanocytaire. La drépanocytose constitue un problème ...
«
Toute personne qui souhaite avoir des enfants ne souffrant pas de la
drépanocytose doit choisir de connaître son hémoglobine avant le mariage»
Le monde entier célèbre ce 19 juin la journée mondiale de la drépanocytose placée sous le thème « Lutte contre la drépanocytose : la formation, un maillon essentiel ». La drépanocytose est une maladie héréditaire grave. La drépanocytose constitue un problème de santé publique au Togo. Les personnes atteintes doivent faire face à des conséquences multiples : une anémie, des crises douloureuses pouvant toucher différents organes ou encore une moindre résistance à certaines infections. Cependant il existe des mesures et des précautions simples à observer pour mieux vivre avec la maladie. Le docteur Hèzouwè Magnang, Directeur du Centre National de Recherche et de Soins aux Drépanocytaires (CNRSD) évoque le mécanisme de la maladie et sa prise en charge.
Santé-Education : C’est quoi la drépanocytose ?
Dr Hèzouwè Magnang : La drépanocytose
est une maladie génétique héréditaire qui atteint l’hémoglobine entrainant
l’apparition de l’hémoglobine S à la place de l’hémoglobine normale qui est
l’hémoglobine A. L’hémoglobine est une protéine qui représente le constituant
principal du globule rouge, qui assure le transport d’oxygène dans le sang pour
le distribuer à tous les organes. Elle se traduit par une déformation des
globules rouges. Dans la drépanocytose, le globule rouge est déformé, avec
l’aspect dit d'une faucille ou d’un croissant de lune, et ne peut donc plus
circuler correctement dans les vaisseaux sanguins. Cette forme va bloquer la
circulation du sang donc l’arrivée de l’oxygène aux membres et aux organes,
c’est le phénomène de vaso-occlusion qui va être à l’origine de la douleur et
de l’anémie.
C’est une maladie
génétique et héréditaire. Expliquez-nous ces termes.
C’est
une maladie héréditaire car elle est transmise des deux parents aux enfants. Lorsque
les parents portent chacun le gène de la maladie il y a une possibilité que ces
parents transmettent la maladie à leurs enfants d’où le caractère génétique de
la drépanocytose. On peut être porteur sain du gène responsable de la
drépanocytose si l’anomalie génétique en cause n’est présente qu’à un seul exemplaire
c’est-à-dire hérité seulement d’un des deux parents.
Quelle est la prévalence au
Togo ?
Au
Togo, nous n’avons pas des données d’études récentes. Ce que nous disposons
c’est des données d’études hospitalières qui indiquent que 4% de la population togolaise
serait porteur des formes symptomatiques de la drépanocytose et environ 16% de
la population serait porteur du gène responsable de la maladie. Les différentes
complications liées à la drépanocytose sont souvent dues à l’absence du suivi
médical du patient.
Quels sont les symptômes de la maladie ?
Les
manifestations cliniques de la drépanocytose sont nombreuses. Le principal
signe que développe le patient c’est la douleur des os et des articulations.
Cette douleur osseuse, on la voit beaucoup plus chez la drépanocytose à l’âge
adulte. Mais chez le nourrisson et le petit enfant on peut avoir plutôt des
douleurs abdominales. En dehors des douleurs osseuses, on a l’anémie qui est là
en permanence dans certaines formes de la maladie. Cette anémie peut s’aggraver
à un moment donné lorsque le patient est en train de faire une complication de
la maladie. D’autres signes également peuvent être observés notamment la
coloration jaune des yeux qu’on appelle « ictère », un retard de
croissance chez le patient et une susceptibilité accrue aux infections bactériennes.
Comment
survient la douleur chez le drépanocytaire ?
Très souvent, il existe un facteur ou une circonstance qui favorise la
survenue des douleurs osseuses ou abdominales chez le drépanocytaire. Il s’agit
par exemple de l’exposition aux températures extrêmes surtout au froid,
l’effort physique intense et continu, le séjour dans un milieu pauvre en
oxygène, la déshydratation, le stress et l’hyperthermie. C’est pour cela
que nous conseillons aux drépanocytaires d’éviter ces facteurs.
Quelles sont les complications de
cette maladie ?
L’évolution
de la maladie est très variable d’un sujet à un autre avec parfois des
complications pouvant toucher tous les organes de l’organisme. Parmi les
complications chroniques figurent les atteintes ostéo-articulaires, cardiaque
pulmonaire, rénale, oculaire, neurologique pour ne citer que celles-là. Le
diagnostic est souvent tardif et les nombreuses complications de la drépanocytose
justifient l'intérêt du dépistage à la naissance et le démarrage précoce du
suivi médical.
Est-ce
qu’il y a un âge pour les premiers symptômes ?
L’âge
du début des signes varie en fonction du type de drépanocytose. Chez les sujets
SS les signes commencent autour de 3 à 6 mois. Dans les formes SC, les signes
peuvent commencer si tardivement. Généralement cela commence autour de 3 ans.
Mais on a des sujets SC qui ont commencé à présenter des signes qu’après les 15
ans. Il y en a ceux qui commencent après 20 ans. Tout dépend du type de
drépanocytose que porte le patient.
Quelle
prise en charge pour la drépanocytose ?
La
prise en charge se repose sur deux volets. Il y a d’abord le volet sensibilisation
et prévention puis le volet des soins. Pour le volet prévention c’est le
conseil génétique que nous donnons chaque jour à ceux qui viennent pour
bénéficier de nos services et prestations. Et la sensibilisation à l’endroit
des personnes qui ne souffrent pas de la maladie mais qui doivent savoir
comment faire pour éviter d’avoir des enfants drépanocytaires.
Sur
le plan médical, les malades sont sensibilisés sur les médicaments à prendre en
cas de douleurs ostéo-articulaire ou abdominales modérées. Si malgré la prise
des médicaments à domicile, les douleurs persistent, ils viennent à l’hôpital
pour se faire soigner. Ainsi nous avons la possibilité de l’hospitaliser, de
lui administrer des médicaments qui lui permettront d’être soulagé rapidement
par rapport à la douleur qu’il subit. Il y a également d’autres complications survenant
à certains organes qui peuvent relever d’une prise en charge médicale
spécialisée ou pluridisciplinaires.
Pourquoi
est-il important de faire le test d’électrophorèse ?
L’étude
de l’hémoglobine ou l’électrophorèse est très importante car c’est l’un des
moyens qui permet de connaître son phénotype hémoglobinique c’est-à-dire le
type d’hémoglobine que l’on porte. A partir de là, on peut choisir son conjoint
ou sa partenaire dans l’objectif d’éviter les enfants drépanocytaires. Tout
jeune, toute personne qui souhaite avoir des enfants sains c’est-à-dire ne
souffrant pas de la drépanocytose doit choisir de connaître son hémoglobine
avant le mariage et demander au besoin un conseil génétique surtout lorsque vous avez une hémoglobine
anormale notamment Hémoglobine S ou C par exemple. Le médecin informe les
porteurs d’hémoglobines anormales des risques pour leurs enfants, du traitement
dont ceux-ci auront besoin s’ils sont atteints de la drépanocytose et des
solutions qui s’offrent au couple en gestation.
Quels
sont les centres spécialisés pour le test d’électrophorèse de l’hémoglobine
?
On
peut réaliser le test de l’électrophorèse dans tous les hôpitaux du niveau
intermédiaire et central de notre pays c’est-à-dire dans
les centres hospitaliers universitaires (CHU), dans les Centres hospitaliers régionaux
(CHR), dans les centres hospitaliers préfectoraux (CHP) ou hôpitaux de
district, à l’Institut National d’Hygiène (INH). Il y en a également dans le
privé qui réalise ce test.
Comment
vivre avec la maladie ?
Quand
on est drépanocytaire le principal conseil que je vais donner c’est de choisir
de se faire suivre. Ce suivi n’est pas forcément dans le Centre National de
Recherche et de Soins aux Drépanocytaires (CNRSD) qui pour le moment n’existe
qu’à Lomé. C’est vrai que c’est le lieu idéal pour le suivi mais ceux qui sont
loin de Lomé, peuvent aussi se faire suivre par un médecin généraliste ou
spécialiste dans leur localité. Les médecins généralistes ont reçu dans leur
formation de base les moyens de suivre un drépanocytaire. En outre, dans le contexte de pandémie au Covid-19, les drépanocytaires doivent être
plus vigilant en respectant scrupuleusement les gestes barrières afin d’éviter
de contracter cette infection qui devient particulièrement dangereux chez les
personnes qui portent déjà une autre maladie.
Quelle
alimentation pour le drépanocytaire ?
Sur
le plan alimentaire, le drépanocytaire doit manger équilibré et soigner ses
repas. Il s’agit d’un sujet qui a un système de défense faible et fragile. A
cet effet, il doit manger de façon équilibrée afin de fournir à son organisme
des nutriments qui vont permettre d’augmenter ses capacités de défense contre
les agents pathogènes.
Parallèlement,
l’alimentation qui doit être équilibrée et soignée, le drépanocytaire doit être
vacciné. Parce que la vaccination est le seul moyen d’augmenter ses capacités
de défense contre les microbes. Les vaccins constituent un excellent
moyen de prévenir de nombreuses infections graves. Les enfants et les adultes
atteints de drépanocytose doivent recevoir l’ensemble des vaccinations
recommandées.
Stop à la naissance des enfants
drépanocytaires ! Comment ? En faisant le test d’électrophorèse avant
le choix de votre partenaire.
Propos recueillis par Raymond DZAKPATA