17 mai : Journée mondiale de l'hypertension artérielle: Interview du Professeur René Baragou, Chef de service de Cardiologie au CHU Sylvanus Olympio
- Posted on 18/05/2024 18:02
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- By abelozih@sante-education.tg
Extrait de l'article: Maladie chronique, l’hypertension artérielle est une hyperpression du sang sur la paroi des artères. On compte ainsi 1.28 milliard de personnes atteintes d’hypertension artérielle dans le monde, dont 700 millions qui ne sont pas traitées. Elle touche
« Pour prévenir
l’hypertension artérielle, la modification du style de vie n’est pas seulement
la base à atteindre avant d’enclencher une thérapie curative, elle est en même
temps la mesure préventive la plus importante »
Maladie chronique, l’hypertension artérielle est une hyperpression du sang sur la paroi des artères. On compte ainsi 1.28 milliard de personnes atteintes d’hypertension artérielle dans le monde, dont 700 millions qui ne sont pas traitées. Elle touche, selon l’OMS, plus d’un adulte sur trois. Comment l’hypertension peut-elle être prévenue ? Quels sont les traitements de cette affection cardiovasculaire ? Comment surveiller sa tension ? Professeur René Baragou, Chef de service de Cardiologie au CHU Sylvanus Olympio de Lomé, Président de la Société de Cardiologie du Togo (SOCART) donne des précisions dans cette interview.
Santé-Education : Que
doit-on comprendre sous la terminologie d’hypertension artérielle ?
Professeur Réné Baragou : L’hypertension, aussi appelée
hypertonie artérielle, recouvre une augmentation chronique de la pression du
sang. Celle-ci commence lors de valeurs systoliques supérieures ou égales à 140
mmHg, et lors de valeurs diastoliques supérieures ou égales à 90 mmHg. L’on
considère comme optimale une pression sanguine en dessous de 120/80 mmHg. Au
niveau mondial, ce sont plus d’un milliard de personnes qui sont affectées par
cette hypertonie artérielle. L’hypertension provoque environ des millions de
décès par année.
À partir de quel moment doit-on
se préoccuper activement de son hypertension artérielle ?
En principe, pour les personnes
présentant une pression optimale (120/80 mmHg), il s’agit de faire mesurer sa
tension au moins tous les 5 ans, et ce lors de diagnostics de routine. Pour les
personnes présentant des pressions normales, mais élevées (à partir de 130/80
mmHg), cet examen devrait intervenir chaque année. L’on sait entre temps à quel
point une mesure individuelle à la maison est importante. Celle-ci est
idéalement effectuée sur le haut du bras.
Quelles personnes sont particulièrement à risque ?
L’hypertension représente un facteur de risque substantiel pour les maladies cardiovasculaires. Des calculateurs de risques peuvent aider à évaluer ces risques sur une période de 10 ans.

Les risques supplémentaires sont : le tabac, des perturbations du métabolisme
des lipides, une teneur de sucre augmentée dans le sang à jeun, l’âge et des
prédispositions dans la famille. Les personnes qui présentent déjà des maladies
du système circulatoire coronaire devraient veiller particulièrement à leurs
valeurs de tension.
Comment puis-je remarquer une
hypertension ? Existe-t-il des signaux d’alerte ?
La mesure de la pression
sanguine de manière routinière présente une valeur particulièrement importante,
car une longue durée sans symptômes, fréquemment observée, peut retarder le
diagnostic initial, souvent de plusieurs années. Dans tous les cas, l’on
remarque souvent des maux de tête (surtout à l’arrière de la tête), des
troubles du sommeil, des vertiges, des troubles de la vision, des
bourdonnements d’oreilles, de la nervosité, de la tachycardie ou des
saignements du nez. Si l’on ressent une oppression de la cage thoracique ou des
insuffisances respiratoires, il faut rapidement se mettre en relation avec les
services d’urgences ou une ambulance.
Quels sont les facteurs de risque inévitables
?
Il y a les antécédents familiaux ; si vos parents ou grands-parents sont hypertendus, le risque est accru chez vous et vos enfants. On a l'âge : la tension systolique (supérieure) qui a tendance à augmenter avec l’âge (le risque s’accroît à partir de 55 ans en général ; chez l’homme, c’est à partir de 45 ans et chez la femme, à partir de 55 ans). Certaines maladies : maladies rénales, diabète, apnée du sommeil...En dehors de ces facteurs non modifiables, des comportements à risque d'hypertension peuvent pourtant être corrigés. Certaines mesures hygiéno-diététiques peuvent prévenir les risques.
L'hérédité joue un rôle dans l'hypertension artérielle ?
Oui. On parle de l’HTA familiale qui est
actuellement bien définie. Il n'est pas rare de trouver au sein d'une même
famille plusieurs hypertendus. Mais la découverte des gènes responsables
de l'hypertension artérielle reste difficile. Néanmoins, avoir des
parents hypertendus doit amener à faire contrôler sa tension plus
régulièrement encore, au moins une fois par an après 30 ans et à
promouvoir auprès de ses enfants de bonnes habitudes alimentaires, en évitant
les excès de sel et le surpoids.
Quelles sont les conséquences
de l’hypertension ? Qu’est-ce qui la rend si dangereuse ?
Très souvent, l’on ne décèle
l’hypertension que par les manifestations de dommages qui en découlent. Il
s’agit d’accidents vasculaires cérébraux, criss cardiaques, insuffisance
cardiaque, ou « gros cœur, insuffisance rénale pouvant conduire à la
dialyse. Des crises aigües de pression artérielle (>180/120 mmHg) peuvent
entrainer des saignements du cerveau, des crises cardiaques et des lésions de
l’aorte, tous potentiellement mortels.
Que puis-je faire à mon niveau
pour faire baisser ma pression ?
Le mot-clé est un changement de
style de vie, mais ceci a un ennemi interne redoutable : nos propres mauvais
démons ! Il est recommandé de réduire la teneur en sel de cuisine des aliments,
de ne consommer de l’alcool qu’en quantités modérées, de réduire sa masse
corporelle ainsi que d’adopter une alimentation de type méditerranéenne
(légumes, fruits, poisson, noix, huile d’olive). Il est aussi important de
pratiquer régulièrement une activité physique d’endurance (au minimum 3 à 4
fois par semaine 30 à 45 minutes). Nous recommandons aussi des méthodes de
détente comme des étirements pour réduire le stress. Autant que possible, il
faudrait éviter de prendre à soi des médicaments augmentant la pression
sanguine.
Quand faut-il se tourner vers
des solutions médicamenteuses ?
La nécessité de l’utilisation
de médicaments dépend des niveaux de risques individuels, des lésions déjà
endurées par les différents organes, et, et cela n’est pas à négliger, du
succès à juguler la pression sanguine au moyen de mesures basées sur un
changement de style de vie. Selon l’état d’avancement de l’affection, de nos
jours, l’on commence une thérapie, déjà avec une combinaison de deux sortes de
médicaments distincts baissant la pression.
Est-ce que les médicaments
régulant la pression doivent être pris à vie ?
Dans la grande majorité des cas, la réponse est oui. Le but le plus important à atteindre est une régulation continue et de longue durée de la pression sanguine, de façon à ce que les dommages aux organes soient évités. Ceci nécessite une prise de médicaments qui est également de longue durée, voire durant toute la vie. Un arrêt soudain et décidé par le patient de manière unilatérale peut en outre provoquer une remontée de la pression qui peut s’avérer dangereuse, voire fatale.
Quelles sont les mesures préventives les plus importantes ?
Pour prévenir l’hypertension artérielle, la modification du style de vie n’est pas seulement la base à atteindre avant d’enclencher une thérapie curative, elle est en même temps la mesure préventive la plus importante. De plus, celle-ci est également bénéfique pour la prévention d’autres maladies et affections comme : les crises cardiaques, les attaques cérébrales, et d’autres affections potentiellement dangereuses. Éviter : tabagisme, sédentarité, surpoids et obésité. Consommer sel et alcool avec modération ; Manger chaque jour 5 fruits et légumes et 3 produits laitiers allégés. Adopter une activité physique qui permet de parler pendant l'effort. Effectuer un relevé d'automesure au calme les jours qui précèdent la consultation médicale.
Soigner sa
tension : une hypertension non traitée favorise après quelques années les
maladies graves. Prendre sa tension régulièrement par an à partir de 40
ans. Donc, si l’on modifie son hygiène de
vie, l’on fait d’une pierre plusieurs coups.
Une fois la tension normalisée, le traitement est-il
encore nécessaire ?
Comme la plupart des maladies chroniques, le traitement sera instauré à vie, sauf dans quelques cas
précis (origine rénale, atteinte des glandes surrénales ou même une
surconsommation de réglisse…). Chez plus de 90 % des patients, l'arrêt du
traitement est synonyme d'un retour à l'hypertension. Car si ces produits
ramènent la tension à la normale, ils n'agissent pas directement sur les
causes : on ne guérit pas de l'HTA.
Les traitements contre l'HTA comportent-ils des
effets secondaires ?
Oui il y a des patients signalent des
effets secondaires, qui leur paraissent gênants ou très gênants (fatigue, mains
et pieds glacés, jambes lourdes et gonflées, insomnies, cauchemars, sécheresse
de la bouche, vertiges, troubles digestifs, de la sexualité…). Mais l'erreur est de stopper
ou de modifier son traitement soi-même. En cas de troubles gênants,
il faut en parler à son médecin. Il est nécessaire d'adapter les prescriptions
avant de trouver la bonne solution.
Propos recueillis par Abel OZIH